Intervention de Michel Sapin

Réunion du 12 novembre 2014 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics :

Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d'année procède aux ajustements classiques de fin de gestion, tant sur la dépense de l'État que sur les prévisions de recettes.

S'il s'agit d'un exercice traditionnel, qui permet de prolonger l'action du Gouvernement dans des domaines d'intervention qu'il juge prioritaires, ce texte est également chaque année l'occasion de faire le point sur les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies pour l'année en cours – c'est particulièrement le cas aujourd'hui. Je tiens à souligner que, depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 2015, notre analyse est confortée dans tous ses aspects.

Le Fonds monétaire international (FMI) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont adopté des prévisions de croissance de 0,4 % pour la France en 2014. Celle de la Commission européenne est, quant à elle, légèrement inférieure : 0,3 %. Les différentes prévisions confirment également le scénario d'un maintien de l'inflation à des taux extrêmement faibles. Dans ce contexte de très faible croissance et de très faible inflation, le Gouvernement a maintenu dans ce PLFR les prévisions macroéconomiques qu'il avait retenues début septembre : une croissance de 0,4 % et une inflation hors tabac de 0,5 %.

Ces prévisions ont été qualifiées de « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis.

La prévision de déficit public reste, elle aussi, inchangée par rapport à celle que nous avions faite dès le milieu de l'été et qui a servi à préparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2015, à savoir 4,4 % du PIB. Elle est identique à celle de la Commission européenne. À ce moment de l'année, il subsiste naturellement d'importants aléas quant à l'évolution des finances publiques, concernant notamment le cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, la TVA, la dépense locale et celle des opérateurs. Toutefois, compte tenu des informations disponibles, cette estimation de 4,4 % reste la meilleure, même si elle ne constitue, à deux mois de la fin de l'exercice, qu'une prévision encore soumise à des incertitudes, face auxquelles la maîtrise de la dépense publique représente évidemment un point décisif.

Il est aujourd'hui prévu que la croissance de celle-ci, toutes administrations confondues, s'élèvera seulement à 1,4 % en 2014, contre 1,9 % en 2013. La dépense publique progresserait ainsi de 16 milliards d'euros, soit un rythme divisé par deux par rapport à la moyenne constatée entre 2002 et 2012.

Ce chiffre traduit la volonté du Gouvernement de faire respecter ses objectifs de dépense. Le PLFR met d'ailleurs en oeuvre tous les moyens nécessaires à cette fin, en procédant aux traditionnels ajustements de fin de gestion, qui permettent de respecter l'autorisation de dépense donnée par le Parlement en début d'année.

Ce texte assure ainsi le respect du plafond de dépense – dépenses de l'État hors charge de la dette et pensions – défini en loi de finances initiale et corrigé à la baisse en loi de finances rectificative au mois de juin dernier. Il sera complété par un décret d'avance qui permettra de faire face aux besoins de crédits les plus urgents et dont la ratification sera proposée au Parlement dans le cadre de l'examen du PLFR. Au total, la dépense de l'État hors charge de la dette et pensions devrait diminuer, en 2014, de 3,2 milliards d'euros par rapport à 2013.

La charge de la dette est en outre revue à la baisse, pour s'établir à 43,3 milliards d'euros. Cette révision et l'anticipation du maintien de bas niveaux de taux pour 2015 nous conduisent à réviser dans le même sens la prévision de la charge de la dette pour l'année prochaine, conformément à l'évolution des anticipations de marché. Une hypothèse prudente, retenant un taux moyen de 1,8 % en 2015, contre 1,2 % à l'heure actuelle et au lieu des 2,2 % prévus dans le PLF 2015, nous autorise à réduire de 400 millions d'euros la prévision de charge de la dette pour 2015.

Au-delà de ces mesures d'ajustement en dépenses, le présent PLFR est également l'occasion de prendre diverses mesures fiscales, comme il est d'usage en fin d'année.

Le Gouvernement entend ainsi procéder aux ajustements nécessaires dans certains domaines d'action prioritaires, en complétant et en amplifiant les mesures déjà décidées dans les précédents textes.

C'est le cas en matière de soutien au pouvoir d'achat des ménages. Dans le prolongement des mesures de diminution d'impôt en faveur des ménages les plus modestes, que vous avez votées en première lecture il y a deux semaines, ce texte marque la première étape d'une réforme globale des aides aux travailleurs modestes. Cette réforme, annoncée par le Président de la République, consistera à remplacer la prime pour l'emploi (PPE) par un dispositif d'aide mieux ciblé et plus incitatif. Le projet de loi supprime, à cet effet, la PPE à compter de 2016. Si cette suppression figure dans le présent texte plutôt que dans le projet de loi de finances pour 2016, c'est afin d'éviter toute rétroactivité fiscale. Le secrétaire d'État chargé du budget aura l'occasion, au cours du débat sur la suppression de la PPE, de présenter les grandes orientations de la réforme à venir.

Le logement est un autre chantier prioritaire en faveur duquel le Gouvernement a pris d'importantes mesures cet été et souhaite poursuivre son action. Comme vous le savez, la panne qu'a subie ce secteur est pour beaucoup dans le déficit de croissance que connaît notre pays. La réactivation du marché de l'immobilier et de la construction est donc une priorité pour relancer le secteur et faciliter l'accès des Français au logement.

C'est dans ce cadre que nous proposons, en particulier, de renforcer les incitations de nature à stimuler l'offre de logement dans les zones tendues, c'est-à-dire celles où il est difficile de se loger et où les prix sont très élevés. Ces mesures fiscales, dont le produit sera affecté aux seules collectivités territoriales, sont très ciblées et visent à favoriser la remise sur le marché de terrains constructibles ou de logements inoccupés dans les zones où le marché immobilier est le plus tendu.

Le principe est simple : la taxe annuelle sur les logements meublés non affectés à l'habitation principale bénéficiera aux seules communes. Si une commune ne souhaite pas l'instituer, il suffira d'un vote du conseil municipal pour qu'elle ne soit pas applicable sur son territoire. L'État n'obligera donc aucune commune à la percevoir : toutefois, si l'une d'elles est confrontée à un problème de tension ou de spéculation sur le marché de l'immobilier, elle pourra appliquer aux résidences secondaires le relèvement exceptionnel de 20 % de la taxe d'habitation. Les personnes placées en établissement de soin de longue durée ou en maison de retraite, ainsi que les personnes contraintes de disposer d'un logement proche de l'endroit où elles exercent leur activité professionnelle, seront évidemment exonérées de cette majoration.

Dans les grandes villes, là où le prix de l'immobilier a flambé, on constate que trop de logements sont sous-utilisés, voire inoccupés, alors même que l'on n'arrive plus à s'y loger à des prix décents. Chacun a naturellement en tête l'exemple de Paris, qui compte autant de résidences secondaires peu ou pas utilisées que de demandeurs de logements sociaux qui ne réussissent pas à trouver une résidence principale dans la capitale, soit 170 000. Aussi convient-il de prévoir, dans de pareils cas, une incitation à orienter les logements existants vers l'usage de résidence principale. Chacun reconnaîtra qu'il s'agit là d'un besoin fondamental pour de nombreux ménages, notamment dans certaines communes comptant parmi les plus importantes.

Un autre domaine d'action où le Gouvernement a entendu prolonger son action est la lutte contre la fraude. Après y avoir consacré des mesures fortes dans les derniers textes budgétaires, il souhaite continuer dans la même direction.

L'enjeu est fondamental pour la vie quotidienne des Français comme pour l'autorité et l'efficacité de la puissance publique, d'autant que les résultats enregistrés en la matière constituent un encouragement supplémentaire à amplifier notre action.

Ce projet de loi nous offre l'occasion d'instaurer des dispositifs plus efficaces pour lutter contre trois procédés particuliers de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : les fraudes sur les marchés de véhicules d'occasion, celles réalisées par le biais de sociétés éphémères et celles relatives aux ventes sur internet. Nous complétons l'arsenal législatif afin que chacun acquitte ses obligations fiscales comme il le doit, mais d'autres mesures seront prises dans un cadre réglementaire – je pense en particulier à une mesure permettant d'assurer un traitement encore plus rapide des dossiers déposés pour régulariser les comptes à l'étranger, objectif dont on peut mesurer la popularité et le succès au nombre des dossiers actuellement déposés et aux millions d'euros qui entrent dans les caisses de l'État.

Enfin, le Gouvernement propose de supprimer la déductibilité de plusieurs contributions, qui vient compenser certains effets induits négatifs de l'activité des sociétés concernées. C'est notamment le cas des contributions des banques au Fonds de résolution bancaire unique, ainsi que de la taxe de risque systémique, dont la déductibilité est remise en cause dans un cadre qui maîtrise par ailleurs la pression fiscale globale sur le secteur.

Votre commission a déjà eu l'occasion de débattre du sujet dans le cadre de l'examen du PLF ; peut-être reprendrez-vous ce débat dans celui du présent PLFR. Il s'agit de traiter les banques françaises de la même manière que le sont les autres banques, notamment les banques allemandes, dont les contributions ne sont pas déductibles, dans le cadre de la montée en puissance, au cours des années à venir, de la contribution au Fonds de résolution bancaire unique, qui accompagne la mise en place de l'Union bancaire. C'est l'une des grandes avancées de ces dernières années vers la sécurisation du dispositif bancaire et la moralisation des modalités de soutien aux banques en difficulté.

Toutes ces mesures sont en outre de nature à améliorer l'équilibre des comptes publics.

Tels sont, dessinés à grands traits, les équilibres macroéconomiques et budgétaires du présent PLFR, dont certains éléments complètent le PLF pour 2015 qui devra être modifié en conséquence.

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