Intervention de Christian Eckert

Réunion du 12 novembre 2014 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

Après le discours très complet de Michel Sapin, je mettrai l'accent, pour ma part, sur la maîtrise de la dépense de l'État et de la dépense publique en général.

En adoptant la loi de finances rectificative de juillet dernier, vous avez fixé une autorisation de dépense, sur le périmètre de la norme en valeur, en diminution de 3,1 milliards d'euros par rapport à l'exécution de l'année 2013.

C'est cet objectif, révisé à 276,9 milliards d'euros hors charge de la dette et pensions, que le Gouvernement entend respecter – ce qui est très ambitieux et conduit inévitablement à une fin de gestion tendue.

Cet objectif sera toutefois atteint grâce au schéma de fin de gestion que vous propose le Gouvernement dans le cadre de ce PLFR, au décret d'avance qui vous sera envoyé pour avis, mesdames et messieurs les députés, la semaine prochaine, et du suivi très précis de la dépense effective dans l'ensemble des ministères, qui sera mené jusqu'aux derniers jours, voire jusqu'aux dernières heures de l'année.

Nous avons en effet mis en place, dès le début de l'année, les outils nécessaires au respect de la norme : les crédits mis en réserve s'élevaient à 7,5 milliards d'euros en début de gestion. La loi de finances rectificative votée cet été a procédé à des annulations portant principalement sur des « crédits frais », c'est-à-dire disponibles pour engagement et paiement, et 600 millions d'euros de crédits seulement ont été annulés sur la réserve de précaution. Enfin, le montant des dégels décidés pour faire face à des besoins urgents est limité à 700 millions d'euros. Au total, à la fin du mois d'octobre, la réserve encore disponible atteignait 6,2 milliards d'euros.

Or les aléas, en cette fin de gestion, sont encore nombreux concernant certaines dépenses. Après un exercice approfondi et contradictoire avec les ministères, le principe retenu est, naturellement, de couvrir ces aléas, dans la mesure du possible, par redéploiement à l'intérieur de chaque programme budgétaire concerné, puis, en cas d'absolue nécessité, par dégel de la réserve de précaution au cours du mois de novembre. Enfin, après ces deux étapes, il s'est révélé nécessaire de demander l'ouverture de crédits supplémentaires dans un certain nombre de cas, pour un montant total de 2,1 milliards d'euros. II s'agit notamment des refus d'apurements communautaires en matière agricole, pour 352 millions d'euros, des prestations sociales financées par l'État, qui augmentent du fait de la situation économique et sociale et pour lesquelles nous mobilisons les financements nécessaires, soit 556 millions d'euros au total, et des opérations extérieures, dont le coût est supérieur de 615 millions d'euros à la prévision de 450 millions d'euros contenue dans la loi de finances initiale pour 2014. Enfin, nous prévoyons que la masse salariale de deux ministères – l'éducation nationale et la défense - dépassera de 540 millions d'euros le total des crédits ouverts, soit à peine plus de 1 % de ces derniers, qui s'élevaient à 52 milliards d'euros.

Pour assurer le financement de ces dépenses incontournables sans remettre en cause l'équilibre global des dépenses fixé par la LFR de cet été, nous procédons à un ensemble d'annulations de crédits d'un montant total de 1,8 milliard d'euros – sans compter l'économie de 1,6 milliard d'euros réalisée sur les charges de la dette. Le détail de ces annulations vous est présenté dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative.

Nous piloterons en outre finement la dépense effective en fin d'année, en fixant une cible d'exécution pour chaque programme. Cette approche est complémentaire des annulations. En effet, la dépense dépend non seulement du niveau des crédits votés, mais également du niveau des reports de crédits – de 2013 vers 2014 et de 2014 vers 2015 – et des ressources complémentaires, tels les fonds de concours et les attributions de produits.

En application du principe d'auto-assurance, les ministères connaissant des dépassements sont mis prioritairement à contribution pour gager ces surplus de dépenses. Le solde des annulations nécessaires est complété par une solidarité interministérielle.

Par ailleurs, sur le champ de la norme dite « zéro volume », en incluant dette et pensions, nous constatons une nouvelle économie de 1,6 milliard d'euros sur la charge de la dette, en raison notamment de taux d'intérêt historiquement bas – M. Sapin a précisé ce point, je n'y reviens pas.

Les modifications de crédits que le Gouvernement vous propose ainsi que le pilotage serré des dépenses permettront donc de respecter la norme de dépense.

Il reste pourtant des aléas jusqu'à la fin de l'année, en particulier quant au prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne. Comme vous le savez, la Commission européenne a proposé plusieurs budgets rectificatifs portant sur les contributions des États au budget communautaire, ce qui pourrait se traduire par une diminution substantielle de la contribution de la France. Il est toutefois possible que la Commission commence par notifier des corrections au titre des exercices antérieurs, qui viendraient augmenter le prélèvement sur les recettes de l'État pour 2014, les « bonnes nouvelles » n'étant constatées, le cas échéant, qu'en 2015.

Des négociations sur le sujet sont en cours entre les États membres et la Commission. Toutefois, le calendrier et le montant exact de ces corrections étant encore très incertains, le projet de loi n'intègre pas ces effets, que je porte à la connaissance de votre commission dans un souci de transparence. Si ces informations étaient connues dans les semaines qui viennent, le Gouvernement pourrait vous proposer de les intégrer par voie d'amendement au présent projet de loi de finances rectificative.

Ce texte ne modifie donc pas l'objectif de diminution de 3,1 milliards d'euros par rapport à 2013 de la dépense de l'État, qui résultait déjà de la loi de finances rectificative de l'été dernier.

Il ne modifie pas non plus la prévision d'évolution des dépenses de l'ensemble des administrations publiques, limitée à 1,4 % en valeur, inférieure à celle de 2013, qui était de 1,9 %. À titre de comparaison, entre 2002 et 2012, la dépense publique a progressé en moyenne, chaque année, de 35 milliards d'euros. Cette année, le rythme de progression de la dépense sera donc divisé par deux par rapport à ce qu'il était entre 2002 et 2012.

C'est donc un ralentissement marqué de la dépense publique que nous anticipons en 2014 : si nous augmentons certaines dépenses – hausse des minima sociaux, créations de postes dans l'éducation nationale ou la justice –, nous en diminuons d'autres. Une fois l'équilibre global réalisé, le constat est clair : nous pouvons à la fois maîtriser la dépense publique et financer nos priorités.

Au total, la prévision de déficit budgétaire est révisée à 88,2 milliards d'euros, et à 72,9 milliards d'euros hors dépenses exceptionnelles en faveur du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA) et du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Les recettes fiscales nettes sont en retrait de 6,1 milliards d'euros par rapport à la prévision de juillet, du fait principalement de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée – nous vous avions clairement annoncé ces évolutions dès la présentation du PLF pour 2015.

Le produit de l'impôt sur le revenu est ainsi revu à la baisse de 2,9 milliards d'euros par rapport à la LFR de cet été : nous avons constaté, au moment de la deuxième émission, que les évolutions de certains revenus, en particulier des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values mobilières, étaient inférieures à la prévision et nous en avons tiré les conséquences.

Le produit de la TVA est, quant à lui, revu à la baisse de 2,2 milliards d'euros du fait de la dégradation du contexte économique : le rendement de cet impôt souffre en particulier de la faible inflation et du niveau dégradé de la construction immobilière.

Les prévisions de recettes que nous vous proposons nous paraissent prudentes : c'est évidemment en exécution, quand nous reviendrons vous voir dans le courant du mois de janvier, que nous pourrons faire le bilan de l'évolution des recettes en 2014.

Tels sont, rapidement évoqués, les principaux éléments de l'équilibre du budget de l'État pour 2014, tel que révisé par ce PLFR. J'insiste d'autant plus sur les aléas qui demeurent jusqu'à la fin de l'année, qu'on pourrait croire qu'à moins de deux mois de la clôture de l'exercice, il ne demeure plus aucune incertitude. C'est l'inverse qui est vrai : des aléas significatifs subsistent, à la hausse comme à la baisse. Nous actualiserions évidemment ces prévisions au cours du débat si des informations nouvelles nous parvenaient d'ici là.

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