Le projet de loi que nous examinons ce matin poursuit résolument l'objectif de renforcer la légitimité démocratique des conseils de prud'hommes.
Il vise à fixer un cadre rigoureux de réforme du mode de désignation des juges prud'homaux, que devra respecter le Gouvernement dans l'élaboration de cette réforme, que le projet de loi l'autorise à mener par ordonnance.
La nécessité de cette réforme est reconnue par tous, comme le démontre l'adoption du projet de loi au Sénat, le 14 octobre dernier, malgré le changement de majorité politique que vient de connaître la Haute assemblée.
Cette réforme apparaît en effet nécessaire à deux titres.
Les élections prud'homales souffrent, tout d'abord, d'un taux d'abstention dont l'importance croissante atteint la légitimité de ces tribunaux, malgré les efforts importants accomplis par les pouvoirs publics pour combattre ce phénomène.
Depuis 1979, le taux d'abstention aux élections prud'homales a presque doublé, passant de 37 % à 74 % en 2008, alors que, dans le même temps, le nombre d'inscrits a augmenté, ce qui apparaît donc très préoccupant.
Pour faire face à la progression continue de l'abstention, les pouvoirs publics ont déployé, élection après élection, un éventail de mesures pour améliorer l'organisation de ce scrutin, qui se sont révélées infructueuses.
Ensuite, la nouvelle donne juridique de la représentativité des organisations syndicales et patronales, désormais fondée sur l'audience, impose de revoir les règles de désignation des juges prud'homaux, afin d'éviter toute concurrence entre les deux systèmes.
En effet, les résultats obtenus par les organisations divergent selon la voie de mesure choisie. À titre d'exemple, la CGT a enregistré un score supérieur aux élections prud'homales de 2008, par rapport à ses résultats d'audience de 2013, alors qu'à l'inverse, la CFDT affiche un score inférieur.
Or, la divergence de résultats entre les élections prud'homales et l'audience pourrait donner lieu à des contestations entre les organisations, par exemple en matière de répartition des sièges au sein des instances de gestion paritaire, ce qui affecterait de manière très négative le dialogue social.
Pour toutes ces raisons, il semble donc nécessaire de réformer le mode de désignation des conseillers prud'hommes.
Le projet de loi propose une solution qui apparaît à la fois conforme à la Constitution et respectueuse de l'équilibre de la juridiction prud'homale.
S'agissant de la constitutionnalité du remplacement de l'élection prud'homale par une désignation, il faut tout d'abord souligner que, dans sa décision du 3 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que les justiciables aient un droit à l'élection des juges.
Ensuite, s'agissant de la constitutionnalité de la prolongation des mandats jusqu'en 2017, elle apparaît justifiée par des motifs d'intérêt général suffisants et proportionnés, reposant sur la réforme en cours de déploiement de la représentativité patronale.
Conforme aux exigences constitutionnelles, la solution retenue par le projet de loi respecte également l'équilibre de la juridiction prud'homale : elle ne remet en cause ni son indépendance, ni son impartialité, ni son caractère paritaire.
La réforme proposée permettra, en outre, un renforcement réel de la légitimité démocratique de l'institution prud'homale, en fondant la désignation des conseillers sur des bases plus solides.
Il faut souligner ici, en effet, que plus de 5,45 millions de salariés ont participé à la première mesure de l'audience des organisations syndicales, alors que seuls 4,7 millions de salariés avaient voté lors des dernières élections prud'homales de 2008.
Mes chers collègues, je vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis ce matin, dans sa rédaction issue des travaux du Sénat.