Depuis 40 ans, de nombreuses lois ont porté sur l'égalité professionnelle. Je mentionnerai seulement ici dans un souci de concision la loi dite « Roudy » qui en 1983, a instauré l'obligation pour les entreprises de rédiger un Rapport de situation comparée (RSC) des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes.
Plus récemment, l'article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a institué une sanction financière d'un montant maximum de 1 % des rémunérations et des gains à l'encontre des entreprises d'au moins 50 salariés qui n'auraient pas conclu d'accord d'égalité professionnelle ou, à défaut d'accord, qui n'auraient pas défini les objectifs et les mesures constituant le plan d'action de leur RSC.
Selon cet article, le montant de la sanction applicable peut être modulé par l'autorité administrative dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État en fonction des efforts de l'entreprise en matière d'égalité ou des motifs de sa défaillance.
En contrepartie de ces avancées, la loi de 2010 supprimait la date butoir du 31 décembre 2010 fixée par la loi de 2006 sur l'égalité salariale pour les négociations de rattrapage des salaires.
Un projet de décret d'application de l'article 99 a été présenté au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle début mai 2011, dont la teneur a été rejetée par l'ensemble des représentants syndicaux tant son contenu leur semblait s'éloigner des intentions du législateur.
Finalement, le décret n° 2011-822 du 7 juillet 2011 relatif à la mise en oeuvre des obligations des entreprises pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes procède à une modification du code du travail pour y introduire les dispositions suivantes : « L'accord collectif ou, à défaut, le plan d'action prévu à l'article L.2242-5-1 fixe les objectifs de progression et les actions permettant de les atteindre portant sur au moins deux des domaines d'actions mentionnés au troisième alinéa de l'article L.2323-47 pour les entreprises de moins de 300 salariés et sur au moins trois des domaines mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.2323-57 pour les entreprises de 300 salariés et plus. Ces objectifs et ces actions sont accompagnés d'indicateurs chiffrés. »
Les domaines d'action sur lesquels doivent porter les accords ou les plans sont donc précisés dans le code du travail. Il s'agit de : l'embauche, la formation, la promotion professionnelle, la qualification, les conditions de travail, la rémunération effective et l'articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale. On notera que cette liste laisse une marge assez large à l'entreprise et aux partenaires sociaux. Aucun domaine d'action obligatoire n'est prévu.
Par ailleurs, le décret prévoit qu'en l'absence d'accord ou de plan, l'inspecteur ou le contrôleur du travail met en demeure l'entreprise de combler cette carence. L'entreprise dispose alors d'un délai de six mois pour se mettre en conformité. Si elle ne le fait pas, elle encourt une pénalité et l'administration dispose d'un mois pour la notifier, la pénalité s'appliquant à partir de la notification. Il en résulte que l'entreprise n'est sanctionnée qu'après un éventuel contrôle et non à partir de la date d'entrée en vigueur du dispositif, soit le 1er janvier 2012. On peut donc craindre que l'entreprise n'attende un constat de l'inspection pour élaborer un plan d'action, avec le risque d'attentisme de la part des employeurs.
Le montant de la pénalité maximum a été fixé à 1 % de la masse salariale par l'article 99. Le directeur régional du travail décide de son taux en appréciant l'importance des obligations non respectées et les autres mesures qui ont été prises en matière d'égalité professionnelle.
Les entreprises « fautives » peuvent mettre en avant des motifs de défaillance pour justifier de leur impossibilité à se mettre en conformité avec la loi, au rang desquelles on trouve la survenue de difficultés économiques ou les restructurations ou fusions en cours.
En conclusion, l'application de la sanction n'est ni immédiate, ni automatique. On notera qu'à ce jour, aucune entreprise n'a été sanctionnée sur la base de l'article 99 et de son décret d'application.
Par ailleurs, le décret ne donne pas de précision sur les modalités de vérification quant au fait que la voie de la négociation a bien été privilégiée avant d'adopter un plan d'action.
Avant même tout projet de nouveau décret, l'examen du projet de loi sur la création des emplois d'avenir par l'Assemblée nationale, en septembre 2012, a été l'occasion d'ajustements législatifs. Ainsi, un amendement présenté par Mme Catherine Coutelle et adopté par l'Assemblée tendait à remédier à certains des défauts que j'ai décrits.
L'amendement prévoyait que « dans les entreprises d'au moins 300 salariés, ce défaut d'accord est attesté par un procès-verbal de désaccord », redonnant ainsi la priorité à la négociation sur le plan unilatéral.
Parallèlement, l'amendement prévoyait que « ce plan d'action est déposé auprès de l'autorité administrative ». Cette obligation permettra la centralisation auprès des services de l'inspection du travail des accords et plans d'action, d'où la possibilité d'effectuer un recensement exhaustif des plans effectivement mis en oeuvre.
Cet amendement est devenu l'article 6 de la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012, marquant donc un réel progrès mais laissant entière la question du contrôle.
Un nouveau projet de décret d'application de l'article 99 de la loi de 2010 est donc en cours d'élaboration. Il imposerait aux entreprises de déposer leurs plans d'action auprès des Directions régionales du travail, obligation jusqu'alors réservée aux accords, et renforcerait ainsi la disposition adoptée dans la loi sur les contrats d'avenir.
Ce projet de décret imposerait également que les indicateurs sur la place des femmes (salaires, promotions, par exemple) inclus dans les rapports de situation comparée (RSC), se déclinent par catégories professionnelles.
Une version remaniée du projet de décret a été présentée le lundi 12 novembre au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Il semblerait que cette nouvelle version procède à l'élargissement du nombre des domaines d'action sur lesquels doivent porter les accords ou les plans. Ce nombre serait porté de deux à trois pour les entreprises de moins de 300 salariés et porté de trois à quatre pour les entreprises de plus de 300 salariés.
De surcroît, ce nouveau projet, d'après les informations obtenues, imposerait que la rémunération figure obligatoirement dans les domaines d'action retenus par l'accord collectif ou le plan d'action. Cette obligation nouvelle serait particulièrement bienvenue si l'on se souvient que la date butoir du 31 décembre 2010 fixée par la loi de 2006 sur les négociations de rattrapage salarial avait été supprimée par l'article 99 de la loi du 9 novembre 2010.
En tout état de cause, la question de la procédure de contrôle de la mise en oeuvre de la politique d'égalité par les entreprises doit être impérativement précisée : objectifs, fréquence, modalités, contenu, accompagnement des acteurs.
Dans ce contexte, je vous propose cinq recommandations qui pourraient être transmises au Gouvernement avec l'objectif de voir élaborer une réglementation garantissant l'effectivité du droit à l'égalité professionnelle et salariale.