Intervention de Christophe Premat

Réunion du 12 novembre 2014 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Premat :

Les directives posant le principe du maintien des droits acquis pour les droits voisins et le nouveau régime juridique étant plus favorable aux ayants droit, je soutiens ce projet de loi quant au fond.

Je suis plus sceptique sur la méthode utilisée pour transposer ces directives. Notre rapporteur a rappelé que la transposition de textes communautaires laisse une marge de manoeuvre très restreinte au législateur ; il a aussi mentionné que les délais de transposition ayant été dépassés pour deux des trois directives, la France pourrait être condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne après un recours en manquement de la Commission européenne. La procédure accélérée choisie pour cette raison par le Gouvernement a empêché le rapporteur de procéder à des auditions, et je ressens la même frustration que mes collègues à ce sujet.

Cela étant, je souhaite préciser, dans une perspective plus générale, que si cinquante-six procédures d'infraction sont ouvertes contre la France, quatrième chiffre le plus élevé au classement des États membres de l'Union européenne, notre pays poursuit ses efforts pour réduire le nombre de ces dossiers : ils sont trois fois moins nombreux qu'au semestre précédent. On compte huit procédures en cours dans le secteur de la fiscalité directe, sept pour ce qui concerne la libre circulation des marchandises et cinq dossiers ayant trait à la fiscalité indirecte. Le délai moyen de résolution des infractions est de 26,4 mois, inférieur d'un mois à la moyenne européenne, mais légèrement plus élevé que lors de l'évaluation précédente. Le délai de mise en conformité avec les arrêts de la Cour est de 22,8 mois en moyenne, soit quatre mois de plus que la moyenne de l'Union européenne. Cette durée relativement longue – qui permet de relativiser le retard pris dans le projet de transposition dont nous avons à connaître aujourd'hui – s'explique par le fait qu'au cours des cinq dernières années, la France a pu se mettre en conformité avec deux arrêts relatifs à la protection de l'eau rendus respectivement huit et neuf ans avant la résolution des procédures. Il convient donc de porter une appréciation plus générale sur le délai de transposition des directives en droit interne.

Pour en revenir au texte proprement dit, je souhaite savoir quel type d'amendement peut être déposé tout en respectant les obligations liées aux transpositions : la directive envisage-t-elle une protection minimale ou maximale ? Le législateur national peut-il élargir au secteur audiovisuel l'allongement de la durée de protection conférée par les droits voisins ? Le rapport mentionne à ce sujet que, dans sa contribution écrite, la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) déplore « la discrimination opérée entre les secteurs de la musique et de l'audiovisuel ». Pourrions-nous prévoir une durée de protection plus longue que ne le prévoit la directive ?

Enfin, le projet de loi permet aux artistes-interprètes de bénéficier de la même durée de protection de leurs droits que les auteurs compositeurs, en harmonisant la durée de protection des droits voisins avec les droits d'auteur. Le rapport mentionne, par ailleurs, que la Commission européenne a également tenu compte de la concurrence exercée par d'autres systèmes plus protecteurs, tel le système américain qui fixe quant à lui à quatre-vingt-quinze ans la protection des droits des producteurs de phonogrammes. Peut-être faudrait-il s'intéresser aux raisons de ce choix et analyser ses limites. Dans le même esprit, il serait intéressant de comparer les mesures d'accompagnement destinées aux artistes-interprètes au Canada et aux États-Unis avec le système envisagé par l'Union européenne, et de vérifier si les clauses d'exploitation « à peine de perte de droit » et le complément de rémunération ont cours dans ces deux pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion