Il n'est pas un État où la recherche n'a pas été assumée par la puissance publique, dans des conditions analogues. Ceux qui ont financé le programme électronucléaire français, ce sont les usagers français et les épargnants américains. La recherche menée entre les deux guerres à des fins militaires aurait suivi son cours de toute manière ; elle a été en quelque sorte mise à disposition dans tous les pays du monde et n'a pas coûté un centime supplémentaire aux contribuables.
Ce qui me paraît important est que les choix ne soient pas faits par à-coups, par le biais d'investissements à l'étranger ou par une politique tarifaire que l'on entendrait modérer subitement pour des raisons qui peuvent être légitimes. Un pas intéressant vers la bonne gouvernance a été la création de l'Agence des participations de l'État (APE), destinée à unifier, pour ne pas dire centraliser, le point de vue de l'État, qui peut, sinon, s'exprimer sous diverses facettes selon que l'on est au ministère des finances, au ministère de l'industrie ou au ministère de l'énergie et du développement durable. Mais l'APE ne remplace pas le regard politique sur des opérations qui, à mon avis, auraient pu interpeller un peu plus les pouvoirs publics – j'entends par là des initiatives prises aussi bien par EDF que par Areva et qui ne se sont pas révélées aussi complétement prometteuses que cela avait été envisagé. Il est important de poursuivre au niveau politique le mouvement engagé par la création de l'APE en créant un secrétariat général à l'énergie - comme il existe un Comité de politique nucléaire placé auprès du chef de l'État, ce qui est une bonne chose – où les ministres qui se sentent concernés se retrouveront autour du président de la République pour traiter de ces questions. Ce dont les dirigeants d'une entreprise ont besoin, c'est d'orientations claires. Pour la mise en oeuvre, on peut par définition leur faire confiance, mais sans mise en perspective générale, on est tenté d'agir au jour le jour et l'on commet des erreurs à répétition.
Singulièrement dans les temps de difficultés économiques, aucun gouvernement ne peut se désintéresser de ce qui se passe dans son industrie. Cela doit se faire de manière continue, non pour exercer une tutelle tatillonne mais pour vérifier que les orientations fixées sont respectées. La création de l'APE et du comité de politique nucléaire va dans le bon sens mais, en matière de politique industrielle, la tutelle doit s'exercer continûment, a fortiori dans des industries où la durée de vie des équipements est d'un demi-siècle sinon d'un siècle.