Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 18 novembre 2014 à 15h00
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

Plus de démocratie, cela voudrait dire plus d’équité territoriale, moins de dissymétrie en fin de compte entre les nouvelles régions. Or l’on voit qu’il y a encore beaucoup de déséquilibre dans le poids économique, la structuration, le potentiel des territoires que vous nous proposez. Donc plus de démocratie, certainement pas.

Plus d’économies ? On est passé d’une perspective de 17 ou 20 milliards à 2 milliards. Est-ce vraiment pertinent d’élaborer une grande réforme comme celle-ci pour 2 milliards d’économies au plus ? Et je suis convaincu qu’au final, on ne les aura même pas.

Reste, ce qui est peut-être l’élément essentiel, la volonté de configurer nos territoires dans la mondialisation, de faire vraiment de nos régions des régions fortes. Mais encore faut-il, si tel est l’objectif, avoir de vrais critères.

Prenons la taille, critère souvent évoqué pour faire des comparaisons avec des régions étrangères. Nous nous sommes livrés avec un certain nombre d’experts à un petit travail pour savoir quelle est la taille critique d’une région. En fin de compte, la force d’une région, c’est de pouvoir financer ses entreprises, améliorer leurs fonds propres, financer des infrastructures. Elle est donc dans sa capacité à lever des fonds, à mobiliser l’épargne de ceux qui y vivent. Compte tenu du taux d’épargne en France, 16 %, il faut 5, 6 ou 8 millions d’habitants pour créer une ingénierie économique, financière, territoriale.

Ce simple critère, pourtant fondamental, la masse d’épargne nécessaire pour justifier dans un territoire des fonds d’investissement, une bourse régionale, des centres de décision qui vont donner à la région une véritable perspective de développement, en faire une véritable entité configurée pour la mondialisation, n’a jamais été intégré dans les débats, dans les études, n’a jamais été pris en compte pour faire vraiment de nos régions des régions fortes dans la mondialisation, et c’est regrettable.

On peut discuter, se comparer aux Länder, aux régions espagnoles, italiennes ou aux états américains, mais que valent ces comparaisons si nous-mêmes, en France, nous n’avons pas défini quelques repères forts, stables, stratégiques pour configurer nos régions dans la mondialisation ?

On dit que les métropoles sont des paramètres essentiels aussi pour aborder cette nouvelle économie mondiale. Certes, mais est-on parti des métropoles pour faire nos régions ? On aurait dû alors décider que la France était dotée de cinq, huit, dix ou douze métropoles d’avenir et construire les territoires autour de ces métropoles. Un tel travail est totalement absent du débat.

Pour garantir l’équité territoriale, il aurait fallu veiller à rapprocher chaque Français d’une métropole connectée au monde. Dans un travail que j’avais réalisé sur ce sujet, j’avais expliqué la véritable équité serait que chaque Français soit à moins d’une heure trente d’une métropole connectée au monde. Là, il y avait un véritable principe d’équité territoriale. Nous en sommes extrêmement loin, d’une part parce que l’on n’a pas défini ce qu’est une métropole d’avenir dans la mondialisation dans un pays comme le nôtre et, d’autre part, parce que la proximité d’une métropole n’a pas été prise en compte dans votre projet de réforme.

Enfin, dernier point que je trouve extrêmement étonnant, il n’y a jamais eu de corrélation avec des perspectives d’aménagement du territoire, de structuration des flux, de schéma de transports, d’infrastructures de transport. Nous souhaitons que les Français soient plus mobiles, que nos entreprises disposent de main-d’oeuvre, que nos industries aient accès à de grands ports maritimes pour se connecter au monde. Comment se fait-il que nous soyons tous conscients que les mobilités sont fondamentales et qu’il n’y ait jamais eu de corrélation entre une réforme des régions et une carte des infrastructures de transport, ferroviaire, maritime, autoroutière ? C’est là tout le défaut de ce texte.

En dépit d’une ambition formidable – faire une réforme territoriale, Michel Piron le disait tout à l’heure, c’est probablement la réforme de base de toutes les réformes dont a besoin la France, y compris celle de l’État –, nous discutons d’une carte, administrative, qui, de mon point de vue, passe à côté des véritables enjeux. Je le regrette mais espérons que l’avenir nous permettra de rebâtir un véritable projet de réforme territoriale.

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