Madame la rapporteure, la FNCCR a la faiblesse de considérer que la dualité du système électrique français – à savoir sa double nature, centralisée et décentralisée – présente plus d'avantages que d'inconvénients.
Sa centralisation, héritage de l'organisation industrielle de la production d'énergie mais aussi d'une volonté politique, a le mérite, dans le contexte actuel de crise économique, sociale, environnementale, de garantir le maintien d'une cohésion sociale et territoriale suffisante pour la fourniture d'un bien, l'électricité, qui n'est pas un produit comme les autres. Il nous semble essentiel de préserver cette dimension de solidarité dans le fonctionnement du système électrique. De ce point de vue, la centralisation, autrement dit le portage par l'État de certaines missions, apparaît plus que jamais nécessaire.
Quant à la décentralisation, caractéristique que le système électrique a su conserver à travers son histoire, elle répond aussi aux enjeux de notre époque, à commencer par la décarbonation. Le rapprochement entre centres de production et organisation de la distribution d'électricité que suppose la promotion des énergies renouvelables milite en faveur d'un renforcement du rôle des AODE. De la même manière, l'essor de réseaux intelligents de distribution d'électricité, fondés sur la capacité à mettre en équilibre injections d'énergies intermittentes et soutirages modulés selon les profils de consommation, pourra tirer profit du savoir-faire des collectivités de proximité que sont les AODE, à même de mieux veiller à l'adaptation de leurs réseaux à des contraintes de production plus locales.
Le bon équilibre entre centralisation et décentralisation garantit une convergence entre enjeux de solidarité nationale et adaptation du système énergétique à la lutte contre le changement climatique. Il nous semble donc important de conserver le bénéfice de cette organisation originale.
Ajoutons que les AODE sont des structures intercommunales de grande taille : dans les deux tiers des départements français, la totalité des communes desservies par ERDF sont regroupées dans un grand syndicat ; dans le tiers restant, il existe fréquemment un grand syndicat qui regroupe la majorité des communes. Cette caractéristique leur permet d'établir un bon compromis entre effets d'échelle indispensables pour optimiser les politiques locales énergétiques et proximité avec le citoyen consommateur sur le terrain.
S'agissant du coût de fonctionnement du point de vue de l'opérateur, la FNCCR considère qu'il est important de donner à ERDF les moyens d'exercer sa mission à travers une couverture tarifaire satisfaisante, d'autant que l'État a fait le choix d'organiser le groupe sous forme de sociétés de droit privé, ce qui implique un certain niveau de rémunération. Elle estime qu'en contrepartie, un dispositif de gouvernance des investissements doit venir garantir le respect de la trajectoire d'investissements définie conjointement par les parties prenantes, notamment l'opérateur qu'est ERDF et l'autorité de régulation qu'est la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Le système actuel présente des faiblesses : la trajectoire définie par la CRE n'est pas respectée. Depuis 2009, les investissements d'ERDF ont toujours été inférieurs aux hypothèses retenues par le régulateur pour élaborer le TURPE, sauf en 2011, où ils lui ont été supérieurs. Or le TURPE est calibré pour permettre à la filiale de s'acquitter de ses missions d'investissements, déterminantes pour la qualité de l'électricité. Ces décalages invitent à une réflexion sur la gouvernance des investissements.
En ce domaine, une étape importante a été franchie avec la loi NOME et la mise en place de conférences départementales de programmation des investissements, qui fonctionnent aujourd'hui de manière satisfaisante sur l'ensemble des départements après des débuts difficiles. Chaque année, sous l'égide du préfet, autorités concédantes et concessionnaire se réunissent pour dresser le bilan des investissements réalisés et pour définir d'un commun accord les investissements à programmer en se fixant certains objectifs de qualité.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique semble offrir une prolongation de ce dispositif à travers une deuxième étape que nous pourrions qualifier de consolidation nationale des programmes départementaux, jusqu'à présent l'élément manquant dans la gouvernance des investissements. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit la création d'un comité national du système de la distribution publique d'électricité, chargé de dégager une vision nationale à partir de l'empilement des programmes définis au niveau départemental, vision qui pourrait également bénéficier à la CRE. Nous pourrions imaginer que, dans un mouvement inverse, descendant et non plus ascendant, le comité émette ensuite des avis à l'intention des maîtres d'ouvrage, c'est-à-dire les AODE et le concessionnaire, ce qui semble bien l'intention du législateur.
D'autres améliorations visant à améliorer l'efficience des investissements sont envisageables.
L'organisation de la maîtrise d'ouvrage porte la marque de la décentralisation. Un principe général veut que les autorités concédantes assument la maîtrise d'ouvrage en zone rurale et le concessionnaire en zone urbaine. Toutefois, en réalité, de fortes variations existent d'un département à un autre, d'une concession à une autre : dans certains territoires, il arrive que les autorités concédantes aient une activité de maîtrise d'ouvrage des réseaux plus importante qu'ERDF.
Compte tenu de ces disparités, nous préconisons d'introduire davantage de flexibilité dans l'organisation de la maîtrise d'ouvrage, de façon que, selon les territoires, concessionnaire et autorité concédante acceptent que l'un ou l'autre de jouer un rôle prépondérant, y compris pour les travaux sur les réseaux de moyenne tension, traditionnellement du ressort d'ERDF.
Dans le même esprit, il nous semble judicieux d'encourager les groupements de commandes entre concédants et concessionnaires, de manière à obtenir de meilleurs prix sur les marchés publics et donc à minimiser le coût des travaux sur les réseaux publics de distribution de l'électricité.