Intervention de Édouard Courtial

Séance en hémicycle du 18 novembre 2014 à 21h30
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉdouard Courtial :

Monsieur le ministre, votre projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et au calendrier électoral a été totalement réécrit par le Sénat. Dans leur sagesse, les membres de la Haute assemblée ont manifesté leur opposition à un texte incohérent et présenté de manière précipitée au Parlement. Ainsi, pour une simple question de méthode, je tiens à affirmer à l’unisson de mes collègues du groupe UMP mon hostilité farouche à l’adoption de ce texte.

Sur le fond, voici les enjeux qui devraient, à mon sens, guider une véritable réforme territoriale : des économies structurelles, une simplification administrative, une meilleure efficacité de l’action locale, une meilleure répartition des compétences, une plus grande proximité avec les citoyens et une dynamisation des territoires. Or votre projet de loi ne permet d’atteindre aucun de ces objectifs et tout concourt à ce que députés, sénateurs et élus locaux s’opposent à l’adoption de ce texte.

Rien ne justifie la précipitation tactique du Gouvernement, le manque de cohérence et de lisibilité de votre projet, monsieur le ministre, ni l’absence totale de concertation. De fait, c’est seul, ou peu s’en faut, sur le coin d’une table, que le chef de l’État a redessiné la carte des régions de France. Ce procédé n’est pas digne d’une grande démocratie moderne.

Avec sa gestion ubuesque du calendrier des élections départementales et régionales, le Gouvernement s’engage dans une course contre le temps pour faire approuver une réforme qui se décline en deux projets de loi. L’Assemblée est saisie de la nouvelle délimitation des régions et du report des élections régionales avant même de discuter de ce qu’elle aurait dû examiner en premier lieu, à savoir la nouvelle répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités. C’est incohérent et dangereux : une fois encore, vous mettez la charrue avant les boeufs.

Et pourquoi, monsieur le ministre, ce rythme effréné ? Comment justifier qu’une réforme d’une telle ampleur soit annoncée, conçue et votée en quelques mois ? Comment ne pas y voir un prétexte à retarder la sanction des électeurs ? Pareil bouleversement exige du temps pour la conception, l’évaluation, la concertation et la préparation. On ne touche pas impunément à l’équilibre institutionnel, aux pouvoirs locaux, aux services publics et à la vie des entreprises et des citoyens.

Pourtant, les Français vous attendent, mais sur d’autres terrains. Ils accueillent avec scepticisme un redécoupage exécuté en dépit du bon sens. On se demande vraiment quelle vision territoriale a sous-tendu la carte que vous proposez.

Monsieur le ministre, le sort grotesque fait à certaines régions ainsi que la valse-hésitation que vous avez menée dans ce redécoupage illustrent l’inanité et l’insoutenable légèreté de cette réforme.

Vous refusez aussi d’écouter les élus locaux, qui posent ardemment la question des moyens des collectivités, dont vous ne cessez depuis 2012 de réduire les dotations. Chacun connaît les contraintes qui pèsent sur les collectivités. En guise d’assurance, le chef de l’État promet que les grandes régions « disposeront de moyens financiers propres et dynamiques ». Peut-on faire moins clair ?

Rien sur la réforme de la fiscalité locale, aucune avancée sur le transfert de moyens de l’État aux régions, rien non plus sur le tabou de l’autonomie fiscale ; bref, vous exigez des collectivités qu’elles fassent leur révolution sans leur en donner les moyens. Une vraie mesure d’économie aurait été la création du conseiller territorial, proposée par mon collègue de l’Oise Jean-François Mancel, mais vous vous êtes empressés de supprimer cette disposition, par pur dogmatisme !

Enfin, l’annonce d’un second projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ajoute à la confusion et anéantit votre crédibilité. En effet, comment demander à la représentation nationale de se prononcer sur un sujet d’une telle ampleur alors qu’elle ne dispose pas de l’ensemble des éléments pour le faire ?

En définitive, monsieur le ministre, vous sacrifiez la transformation nécessaire de l’État et des collectivités sur l’autel d’une triste et vaine tactique dilatoire. Personne n’est dupe. Cette réforme ressemble à l’ultime manoeuvre d’une gauche aux abois, incapable de gouverner, déconnectée d’un pays réel dont le cri de colère n’en finit pas de monter.

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