Le projet de loi qui nous est soumis tend à ratifier l'accord signé avec la Chine le 26 novembre 2013 à Pékin, qui se substituera à la convention fiscale franco-chinoise du 30 mai 1984 et qui, comme cette dernière, ne s'appliquera pas à Hong Kong, Taïwan et Macao. Cet accord comporte 31 articles et un Protocole et, comme toujours, ne peut être amendé.
Sa négociation a été engagée à la demande de la partie française. Celle-ci a obtenu satisfaction sur de très nombreuses demandes d'évolution, de l'utilisation du dernier modèle de convention de l'OCDE aux modalités de partage de l'imposition en passant par la préservation des intérêts du Trésor. L'accord a été signé à l'occasion de la première séance du dialogue économique et financier de haut niveau, dont la mise en place a été décidée lors de la visite d'Etat du président Hollande en Chine en avril 2013 et qui est conduit par le ministre français de l'Économie et des Finances et le vice-Premier ministre chinois en charge de ces questions, M. Ma Kai. Il manifeste la volonté forte de rééquilibrer par le haut la relation économique franco-chinoise, comme la mission d'information sur la Chine dont j'étais le rapporteur avait eu l'occasion de souligner
Notre déficit commercial est massif (26 milliards d'euros), le premier de notre pays. Les exportations françaises vers la Chine ont diminué à 14,7 milliards d'euros en 2013 (aéronautique pour un quart). La France est seulement le 19e fournisseur de la Chine, mais le deuxième fournisseur européen. La part de marché de la France est modeste : 1,33 %, lorsque celle de l'Allemagne dépasse les 5 %. On recense quelques 1500 entreprises françaises présentes en Chine avec 2500 implantations qui génèrent un chiffre d'affaires annuel de près de 65 milliards d'euros et emploient environ 550 000 personnes. Selon les chiffres de la Banque de France, les flux d'investissement français en Chine se sont établis à 1 milliard en 2013. Les investissements français, tendent aujourd'hui à se diversifier en direction des villes du centre et de l'ouest comme Chengdu et Wuhan.
Quelques éléments méritent néanmoins d'être rappelés pour comprendre l'importance qu'il y a à disposer d'un cadre pertinent en matière fiscale.
La Chine, première puissance commerciale, devrait représenter dans les années à venir environ 20 % des importations mondiales, soit un fort potentiel macroéconomique. En outre, les besoins futurs de l'économie chinoise correspondront probablement davantage à ce que la France peut offrir à l'exportation en s'appuyant sur l'augmentation de la consommation intérieure. Le marché chinois est dans de nombreux domaines le premier marché du monde (11,5 % de part de marché mondiale). C'est donc un marché essentiel en termes de débouchés, pour exporter mais aussi pour s'implanter.
Il convient néanmoins de ne pas sous-estimer les difficultés que peuvent rencontrer les projets d'exportation ou d'investissement en Chine. En outre, depuis 2008, les investisseurs étrangers ne bénéficient plus d'un statut fiscal très privilégié. Même si la fiscalité demeure assez favorable, avec un taux d'impôt sur les sociétés de 25 % et de très nombreux régimes préférentiels, le besoin se fait sentir de clarifier et améliorer les règles bilatérales fiscales. Cette demande est devenue d'autant plus forte que les marges des entreprises sur leurs activités en Chine, pays ultra-concurrentiel, sont relativement faibles.
Dans ce contexte, la nouvelle convention fiscale franco-chinoise permet de mieux sécuriser les activités conduites par les entreprises d'un Etat sur le territoire de l'autre et réduit les impositions à la source. D'une manière générale, la répartition des droits d'imposer est modifiée en faveur de l'État de la résidence, ce qui constituera une simplification pour les entreprises.
La France a obtenu des modifications relatives à la qualification de l'établissement sable, qui est durcie et sécurisée. Par exemple, sera désormais considéré comme un établissement stable, sur le modèle OCDE un chantier dont la durée dépasse douze mois (contre six dans l'accord de 1984). Une mesure était particulièrement attendue par les entreprises françaises : la diminution du taux de retenue à la source sur les dividendes qui passera, dans la majorité des cas, de 10 % à 5 %. Le taux est fixé à 5 % maximum du montant brut des dividendes lorsque le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement au moins 25 % du capital de la société qui verse les dividendes.
Cette convention concerne aussi les personnes physiques, sachant que 31 275 Français sont inscrits au registre et qu'au 30 septembre 2014 on estime à plus de 46 000 les ressortissants français qui résideraient en Chine. Le principe d'imposition dans l'Etat de la source des rémunérations des agents publics est étendu au personnel des établissements d'enseignement à but non lucratif d'un Etat. Cette stipulation s'appliquera au corps enseignant du lycée français de Pékin. L'exonération applicable aux étudiants, apprentis, personnes en formation en entreprise dans l'autre Etat est étendue aux stagiaires, ce devrait mieux sécuriser la situation des volontaires internationaux en entreprise (VIE).
Pour toutes ces raisons, l'actualisation de la convention fiscale est bienvenue pour les personnes physiques et morales françaises. Pour l'Etat français, la nouvelle convention présente le grand avantage d'intégrer de nombreuses dispositions préservant la capacité d'imposer et d'adapter diverses clauses à des situations particulières de notre droit.
Tout d'abord des clauses anti-abus sont insérées dans les articles relatifs à certains revenus, ainsi qu'une clause de portée générale et des clauses spécifiques à certaines entités françaises. La France systématise ces dispositions qui excluent l'application des avantages lorsque la conduite des opérations a pour objectif principal de les obtenir.
Par ailleurs, conformément à la pratique française, la portée des obligations de non-discrimination à raison de la nationalité est limitée aux personnes physiques, ce qui permet de préserver notre législation prévoyant un traitement différencié entre les entreprises résidentes de France et les établissements stables d'entreprises étrangères sur le territoire français.
La définition donnée des dividendes est élargie aux revenus réputés distribués. Cet élargissement permettra à la France d'appliquer la retenue à la source à ces revenus, par exemple dans le cadre des redressements de prix de transfert.
Les spécificités de la législation française sont également prises en compte (sociétés de personnes et groupements assimilés, organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), sociétés et fonds d'investissement immobilier).
Le nouvel accord met aussi un terme au dispositif de crédits d'impôt forfaitaires prévu par l'actuelle convention, conformément à ce qu'ont déjà fait ceux de nos partenaires européens qui ont renégocié la convention les liant à la Chine. Cette suppression sera favorable aux intérêts du Trésor. Initialement destiné à stimuler les investissements dans les pays en développement, ce système aboutit à rembourser aux entreprises davantage que l'imposition effectivement supportée. C'est ce que l'on appelait les « crédits d'impôts fictifs ». Cette suppression est lissée au point 8 du Protocole pour ne pas mettre en difficulté les entreprises françaises.
L'article relatif à l'échange de renseignements est actualisé sur la base des derniers standards de l'OCDE (article 26 bien connu) offre une meilleure base pour lutter contre la fraude et l'évasions fiscales, notamment en élargissant son application à tous les impôts et en limitant les possibilités d'opposition (un État ne peut pas refuser une demande de renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présentent pas d'intérêt pour lui ou parce que ceux-ci sont détenus par une banque ou un autre établissement financier).
La coopération fiscale est déjà très bonne avec la Chine, qui répond de manière satisfaisante et suffisamment rapide aux demandes françaises. C'est également l'appréciation portée par le Forum mondial de l'OCDE, qui juge la Chine « conforme » tant en ce qui concerne son cadre législatif (phase 1 de l'examen) que sa pratique effective (phase 2). La France a reçu la même. On notera enfin que la Chine fait partie des quatre-vingt-treize pays qui se sont engagés à passer à l'échange automatique d'ici à 2018. Dans l'attente, le nouvel accord entre la France et la Chine s'appliquera.
Quand on a dressé cette liste des évolutions favorables obtenues, on peut s'interroger sur l'intérêt de la Chine dans cette négociation. Certes, la Chine a obtenu le maintien de certaines dispositions qui figuraient dans la convention de 1984 et qui lui sont globalement favorables, notamment des impositions à la source, mais les autres pays émergents avec lesquels la France a conclu des conventions, comme Hong Kong, aussi. Pour les redevances, le taux de retenue à la source reste fixé à 10 % (6 % en ce qui concerne les redevances de crédit-bail), au même niveau que celui que viennent d'obtenir l'Allemagne et le Royaume-Uni. Le traitement des intérêts reste globalement inchangé (10 % des revenus à la source).
L'opportunité pour la Chine de négocier un nouvel accord qui limite ses avantages antérieurs s'explique d'abord dans le fait que le pays voit dans la signature de nouvelles conventions fiscales un moyen de renforcer son insertion dans l'économie internationale d'une manière adaptée à sa propre évolution économique. L'actualisation de la rédaction de l'article relatif à l'échange de renseignements par exemple lui permet de réaffirmer l'importance qu'elle attache à la coopération en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
De plus, la Chine attache une importance essentielle au traitement fiscal des fonds souverains, et plus généralement des investisseurs publics et elle a obtenu des concessions sur ce point dans la nouvelle convention. Les fonds souverains font l'objet d'une exonération sur les dividendes, intérêts et plus-values, à l'exception de celles de nature immobilière. Ce traitement favorable est réservé au fonds souverain chinois China Investment Corporation (CIC). Plusieurs banques publiques chinoises figurent sur la liste des prêteurs exonérés de retenue à la source sur les intérêts. Du côté de la France, les bénéficiaires de ce dispositif seront : BPIfrance, la Caisse des dépôts et consignations et les prêts garantis ou assurés par la COFACE.
Votre Rapporteur veut pour finir souligner que l'actualisation de la convention de 1984 a aussi pour vocation d'offrir un cadre pertinent pour les revenus réalisés et perçus en France et pour les flux sortants. Selon les données de la Banque de France, la Chine a investi 886 millions d'euros en France en 2013. Le stock des investissements chinois en France s'élevait à 2,7 milliards. On dénombrait en, 2012, 92 groupes chinois implantés en France au travers de 243 établissements. On estime que plus de 5 000 emplois ont aussi été créés ou maintenus (lorsqu'ils viennent en Europe, les Chinois travaillent avec les salariés locaux, n'impliquant qu'un ou deux cadres chinois). C'est aussi l'intérêt de la Chine de renforcer et développer les échanges économiques entre les deux pays et d'augmenter le potentiel des investissements croisés. Dans l'optique d'un accroissement prévisible et souhaitable des investissements chinois en France, la bonne élimination des doubles impositions et des taux de retenue à la source bas sont un facteur non négligeable.
En conclusion, je soulignerai à nouveau que l'accord est très attendu en Chine, mais aussi très favorable aux intérêts du Trésor français et que c'est la raison de l'essentiel des dérogations au modèle de l'OCDE, largement reproduit par l'accord.
La ratification de l'accord fiscal avant la fin de l'année ne présente pas seulement l'avantage symbolique de s'inscrire dans la myriade de contrats et de manifestations de la coopération franco-chinoise qui aura jalonné l'année 2014, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la reconnaissance da République populaire de Chine. Elle permettra aussi de retirer tous les bénéfices des clarifications, des aménagements et des nouvelles clauses qu'il contient dès 2015 si la notification est transmise au cours de ce mois de novembre.
En effet, l'entrée en vigueur sera alors acquise au 31 décembre 2014 et l'accord applicable aux sommes imposables en 2015 pour les impositions à la source et aux exercices débutant à compter du 1er janvier 2015. Par note verbale du 15 avril 2014, la Chine a informé de l'accomplissement de ses procédures internes requises pour la ratification de l'accord. Le projet de loi a été adopté par le Sénat la semaine dernière. Je vous propose de faire de même.