Intervention de Jean-René Marsac

Réunion du 12 novembre 2014 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Marsac, rapporteur :

Le texte dont nous sommes saisis autorise l'approbation du 11e FED. Le FED est le plus important des instruments de la politique d'aide au développement de l'Union européenne, tant en volume, quelque 30,5 milliards d'euros, que par le nombre de pays qu'il concerne, 78, soit l'ensemble des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Créé par le Traité de Rome en 1957, il a été reconduit par des conventions spécifiques entre 1963 et 1990, négociées tous les cinq ans en moyenne entre les Etats membres de l'Union européenne et la communauté des pays ACP. Après les deux Conventions de Yaoundé, en 1963 et en 1969, se sont succédé les quatre accords de Lomé. En 2000, l'Accord de Cotonou s'y est substitué, et a donné à la relation entre l'Europe et l'Afrique le caractère d'un véritable partenariat politique ambitieux et de longue durée. Il arrivera à échéance en 2020, mais les règles relatives aux dispositions financières sont restées inchangées. Le financement et l'affectation des aides doivent être définis régulièrement. Le 10e FED est arrivé à échéance le 31 décembre 2013 et le 11e, en vigueur depuis lors, a une durée exceptionnellement longue, puisqu'il court jusqu'au 31 décembre 2020, un peu-delà de l'Accord de Cotonou pour coïncider avec le cadre financier pluriannuel de l'UE, pour la période 2014-2020.

Il est utile de dresser un bilan du 10e FED, d'autant plus que le ministère des affaires étrangères a fait procéder à une évaluation de la contribution de la France, dont les conclusions, dans leurs grandes lignes, ont montré qu'il s'agissait d'un instrument en très grande cohérence avec les priorités de la politique d'aide au développement de notre pays, telle qu'elles résultent des décisions du CICID de juillet 2013 et de la loi que nous avons adoptée en juin dernier.

C'est le cas au plan géographique : l'Accord de Cotonou concernant les pays ACP, l'Afrique est la principale destinataire des financements du FED. Elle en reçoit 90 %. Les seize pays pauvres prioritaires de notre APD ont même reçu plus de 40 % des décaissements du FED, et les cinq plus gros bénéficiaires – le Burkina Faso, la RDC, Madagascar, le Mali et le Niger - en ont obtenu à eux seuls le cinquième. La cohérence sectorielle entre la politique d'aide au développement de notre pays et celle que le FED met en oeuvre est également bonne : les infrastructures, la gouvernance, l'agriculture, reçoivent le plus de soutien de la part du FED ; ce sont aussi parmi les priorités de notre politique.

Il y a aussi une forte proximité stratégique entre les axes défendus par la France et ceux que le FED met progressivement en place. Depuis plusieurs années la France promeut un certain nombre d'idées pour renforcer l'efficacité de l'aide. Ainsi la question des partenariats différenciés, sur lesquels s'articulent désormais les allocations de l'aide de notre pays, a été reprise dans les propositions de la Commission que le Conseil a adoptées dans le Programme pour le changement. Il en est de même de la concentration sectorielle ou de l'introduction de nouveaux instruments financiers visant à démultiplier les ressources disponibles pour mieux répondre aux besoins et accroître l'impact de l'aide, tel que le mixage prêtsdons. Les solutions apportées à ces questions ont été incorporées à l'Accord de Cotonou qui prévoit par exemple désormais que les modalités et les priorités de la coopération varient en fonction du niveau de développement du partenaire, de ses besoins, de ses performances et de sa stratégie de développement à long terme.

Depuis quelques années les modalités de gestion du FED évoluent. La Commission délègue par exemple une partie de ses fonds soit aux institutions internationales, aux Nations Unies en premier lieu, soit aux agences bilatérales, pour une meilleure efficacité. Cela lui est parfois reproché car on y voit une solution de facilité lui permettant de faire face à ses pesanteurs et de décaisser aisément. C'est cependant aussi une modalité qui a des avantages. La France fait partie des États membres particulièrement bien positionnés sur ce plan : l'AFD a ainsi reçu sur les six dernières années plus de 250 millions d'euros pour mettre en oeuvre des projets européens selon ses propres modalités, la plupart en Afrique subsaharienne. Cela permet de conforter nos financements bilatéraux. Il en est de même avec les fonds fiduciaires que la Commission peut désormais créer. Le Fonds Bêkou pour la relance économique en RCA est un dispositif qui, moyennant un financement total de la part de la France de 10 millions permet d'en mobiliser 64, qui seront concrètement gérés sur le terrain par l'AFD.

En d'autres termes, le FED est un instrument que la France a porté depuis l'origine, qu'elle a contribué plus que tout autre, main dans la main avec l'Allemagne, à financer, et auquel elle continue d'imprimer une marque certaine.

En outre, le bénéfice que notre pays retire du FED n'est pas négligeable. Si chacun s'accorde à dire qu'en termes de visibilité, c'est la Commission elle-même qui en profite, bien plus que n'importe quel État membre, ce qui est indiscutable, il apparaît que la France est la première bénéficiaire des contrats de marché passés par la Commission sur financements du FED : les opérateurs économiques français se positionnent bien mieux que les Allemands par exemple, et remportent entre 20 et 25 % des contrats.

Ces aspects très importants ne masquent pas les critiques qui perdurent, malgré les progrès, et qui portent sur les lourdeurs de gestion, sur le manque de transparence, ou de coordination. Les changements introduits dans l'Accord de Cotonou seront pour certains longs et difficiles à mettre en oeuvre. Les États membres devront maintenir leur vigilance et leurs exigences pour que la Commission modifie en profondeur ses pratiques.

Le 11e FED est d'un montant total de 30,5 milliards d'euros, contre 22,7 milliards pour le précédent. Cela étant, la durée d'exécution sera de sept ans au lieu de six et en euros constants, le FED est quasi stable. Sur cette enveloppe globale, 29,1 milliards sont destinés aux États ACP, et près de 365 millions sont réservés aux pays et territoires d'outre-mer. Ces proportions sont quasiment semblables à celles du FED antérieur : à plus de 95 %, les financements du FED sont destinés aux pays ACP. Le milliard restant est alloué à la Commission pour financer les dépenses liées à la programmation et à la mise en oeuvre du FED. Cette enveloppe est considérablement augmentée pour permettre à la Commission de répondre aux critiques : les Etats membres exigent des progrès en matière de transparence, de suivi, de contrôle, de résultats, d'évaluation des programmes, de gestion efficiente ; ce sont autant d'aspects pour lesquels la Commission a des obligations et désormais les moyens de satisfaire les attentes des États membres.

Le texte de l'accord financier reste général et n'entre pas dans les détails des sommes allouées aux différents pays ou régions. Cet aspect relève de la programmation, étape ultérieure, aux termes de laquelle 90 % de l'enveloppe ACP sont destinés à l'Afrique, 7 % pour les Caraïbes et 3 % le Pacifique. Il est néanmoins indiqué dans l'accord que l'enveloppe de 29,1 milliards destinée aux ACP est répartie en quatre : l'essentiel, quelque 21 milliards, est destiné aux programmes indicatifs nationaux des États ACP ; 3,3 milliards sont réservés pour les programmes indicatifs régionaux. 3,6 milliards servent à financer la coopération intra-ACP ou interrégionale, qui porte sur des problématiques transversales.

La France est satisfaite de la programmation qui continue de respecter ses priorités géographiques et sectorielles : les seize pays pauvres prioritaires seront ainsi destinataires de 5,9 milliards d'euros de financements de la part du 11e FED ; cela représente 20 % des ressources du Fonds et 30 % de la programmation par enveloppe nationale.

Enfin, 1,1 milliard d'euros sont alloués à la Banque européenne d'investissement pour le financement de la Facilité d'investissement. Cette somme s'ajoute à un montant de 2,6 milliards, également attribué à la BEI. Si le FED intervient via des subventions, la BEI participe pour sa part à cette politique par la promotion du secteur privé en pays ACP via la Facilité d'investissement depuis maintenant plus de dix ans, au cours desquels elle a accordé près de 4 milliards de prêts. Elle appuie également les objectifs de développement de l'Union européenne par le soutien aux projets productifs dans tous les secteurs économiques au moyen de prêts concessionnels à long terme.

Depuis maintenant plus de quarante ans, les tentatives pour budgéter le FED se sont toujours heurtées à l'opposition de certains États membres. Il a été convenu que la question de sa budgétisation serait tranchée lors des discussions pour le « post-Cotonou », après 2020. Le 11e FED reste donc hors budget pour les sept ans qui viennent. Les contributions de chaque État membre restent donc définies sur des clefs de contribution ad-hoc qui se sont néanmoins rapprochées des contributions au budget de l'UE. La France a obtenu que la sienne soit diminuée de 9 % par rapport à celle du 10e FED : 17,81 %, contre 19,55 %. Notre pays acquittera quelque 5,43 milliards sur les sept ans, soit 775 millions par an. L'Allemagne reste le premier contributeur avec 20,58 % du total, soit 6,28 milliards. Avec le Royaume-Uni et l'Espagne, les quatre premiers contributeurs continuent d'assurer le financement des deux-tiers du FED. Tels sont les commentaires que l'on peut faire sur ces accord financier que je vous invite à approuver.

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