Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 28 octobre 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Matthias Fekl, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des français de l'étranger :

Je partage votre préoccupation mais le Gouvernement français ne peut diffuser comme documents authentiques de l'Union des textes qu'il traduirait de son chef en français. Notre ambassadeur auprès des instances européennes rappelle souvent la nécessité de respecter le multilinguisme mais nous n'avons pas de moyen d'action direct.

Il est exact que l'extrême droite fait son lit de l'opacité des procédures de l'Union européenne. C'est pourquoi, madame Fourneyron, nous avons souhaité voir ces sujets mis sur la table. Nous recensons les bonnes pratiques suivies à l'étranger, notamment en Allemagne, afin que le comité de suivi travaille efficacement. J'ai constaté, lors du Conseil informel qui s'est tenu à Rome, la forte hétérogénéité des positions de nos partenaires : la moitié au moins des États membres de l'Union européenne sont favorables à l'inclusion de l'ISDS dans l'accord. Grâce à la France et à l'Allemagne en particulier, la transparence a beaucoup progressé. Selon moi, à ce jour, aucun chiffrage ne permet d'évaluer de manière assez convaincante pour en faire une hypothèse de travail incontestable quelles seraient les retombées du traité pour la France. Le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) a réalisé des études à sujet, mais des analyses complémentaires d'économistes et de parlementaires sont nécessaires.

Le fait que l'Union européenne ne soit pas un ensemble homogène trouve en effet une nouvelle illustration, monsieur Destot. Je suis partisan, comme vous, d'une approche d'ensemble. Pour construire une offre globale de l'excellence française à l'export, nous avons identifié des familles sectorielles prioritaires – la santé, le tourisme, la ville durable… Il nous faut aussi mieux identifier quelles doivent être nos zones géographiques d'action privilégiées, par continents et par entités régionales. Je m'y suis attelé, et je nourrirai volontiers ma réflexion des travaux à ce sujet. La Chine, où j'étais la semaine dernière, l'Amérique du Sud où je me rendrai à la fin de l'année, le Maghreb et le continent africain, où des déplacements sont prévus, font partie des zones qui doivent être explorées.

Monsieur Dufau, vous savez que, constitutionnellement, la concertation entre le Gouvernement allemand et le Bundestag est beaucoup plus forte, y compris en matière de politique étrangère, qu'elle ne l'est entre le Gouvernement et le Parlement français sous la Vème République.

Si nos PME et PMI parviennent mal à maintenir leurs efforts d'exportation, c'est que la culture de l'export est insuffisante en France. La puissance publique doit donc faciliter les choses. À cet égard, la fusion d'Ubifrance et de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) sera un atout ; un autre est le travail remarquable accompli par les régions. Il reste à structurer les filières et à renforcer le lien entre les grands groupes et les PME. J'aurai à coeur de visiter les PME exportatrices, d'analyser les bonnes pratiques et de mettre en exergue les réussites. Nous avons besoin de ce déclic et de dispositifs conçus pour accompagner davantage les PME à l'export, et réduire ainsi notre déficit commercial, en lien avec les réformes par ailleurs nécessaires à la compétitivité de notre économie.

Je vérifierai le statut retenu dans l'accord pour les filiales de sociétés américaines installées au Canada ; il semble que, si le principe de l'arbitrage était validé, ces filiales devraient, pour pouvoir y recourir, avoir investi sur le territoire de l'Union européenne et y exercer une activité réelle.

Monsieur Mariani, nous vous fournirons ultérieurement les données relatives aux répercussions pour les entreprises françaises des sanctions imposées à la Russie. Le ministre des affaires étrangères et moi-même suivons cette question avec attention ; nous pourrons faire le point si votre commission le souhaite.

Monsieur Germain, signer l'accord emporte des possibilités de gains mais aussi, effectivement, des risques. Le premier est celui d'un décalage de compétitivité qui affaiblirait notre économie. Le deuxième est celui de l'abaissement des normes environnementales et sociales ; nous y sommes très attentifs et nous souhaitons exclure toute remise en cause des préférences collectives européennes et françaises pour ne pas devoir, demain, avaler boeuf aux hormones, poulet chloré et autres gourmandises de cette sorte. Le risque existe aussi, si le mécanisme d'arbitrage était opaque ou mal négocié, d'atteinte au droit des États à réguler et à édicter des normes. Le quatrième risque est que nous n'obtenions pas gain de cause pour tous les points qui nous importent. En matière d'indications géographiques par exemple, rien n'est est acquis avec les États-Unis. Or, madame Dagoma, je ne considère pas que tout ce qui a été acquis dans la négociation avec le Canada le sera automatiquement avec les États-Unis, tant s'en faut. Nous devons donc, pour continuer de défendre les intérêts de notre pays, rester offensifs et vigilants.

C'est au Parlement européen qu'il reviendra de décider d'un débat sur ces questions en son sein. Ce qui est nécessaire, c'est une interaction entre le Parlement européen et les parlements nationaux au fil de la négociation. Il y a là une question majeure de démocratie encore irrésolue.

Monsieur Myard, l'arbitrage est effectivement un mécanisme d'inspiration anglo-saxonne, qui a une faible place dans la culture juridique française. Cela explique notre vigilance, la recherche d'alternatives et l'attention portée à ce que, quelle que soit la solution finalement retenue, le respect de la souveraineté des État, leur droit à réguler et l'accès à une justice indépendante ne soient pas entamés.

Le Gouvernement a régulièrement fait état des inconvénients d'un euro fort pour certains secteurs. Néanmoins, les secteurs fortement exportateurs exportent malgré cela. Comme le montrent les entreprises allemandes, la force de notre économie doit venir de sa montée en gamme et de sa capacité d'innovation, qui lui donneront la capacité d'exporter même lorsque notre devise s'apprécie.

Vous avez mentionné les listes négatives, monsieur Hamon. Une note à ce sujet figurera au nombre des informations que nous publierons pour renforcer la transparence au sujet des accords transatlantiques. L'Union européenne et les États-Unis ont une approche différente. Les Américains privilégient l'approche par liste négative, les Européens présentent une offre mixte : liste positive pour l'accès aux marchés, liste négative pour les secteurs dans lesquels l'Union accorderait aux entreprises américaines le traitement national.

Le décret pris le 14 mai 2014 par M. Montebourg n'est pas remis en cause par les négociations. Il est déjà protégé dans l'accord avec le Canada et nous veillerons à ce qu'il le soit aussi dans l'accord avec les États-Unis, qui ont eux-mêmes des dispositifs poussés de protection de leurs investissements et de leurs savoir-faire stratégiques. Notre analyse juridique à ce sujet sera aussi publiée sur le site du Gouvernement.

Rien ne s'oppose à ce que les négociations progressent au sujet des indications géographiques pour les produits manufacturés.

Nous envisageons le juste échange de la même manière, monsieur Amirshahi, et la France plaide régulièrement en faveur de la réciprocité comme principe structurant des échanges commerciaux internationaux. C'est notre position constante à l'heure où les accords régionaux tendent à l'emporter sur les accords multilatéraux. Pour ce qui est des contrôles douaniers, je partage votre constat, mais je n'ai pas de solution miracle à vous proposer.

M. Le Borgn' et Mme Grelier se sont interrogés sur l'utilité d'un mécanisme d'arbitrage entre deux zones membres de l'OCDE. C'est toute la question, mais il se trouve que de nombreux États membres de l'OCDE – dont la moitié au moins des États membres de l'Union européenne – souhaitent un mécanisme de ce type. Une consultation publique est en cours ; nous en analyserons les conclusions, et aussi les implications du retrait de la clause ISDS de l'accord, car il s'ensuivrait la réouverture des négociations. Se poserait alors la question de la contrepartie que demanderait le Canada si cette option était retenue.

M. Bacquet défend âprement, à juste titre, le budget d'Ubifrance pour 2015 ; il sait que le ministre des affaires étrangères et moi-même sommes mobilisés à cette fin. J'ai pour priorité de valoriser la culture de l'export et de mettre en lumière les succès de nos PME exportatrices. Les équipes de l'AFD, en France et dans le monde, font beaucoup pour l'aide au développement ; ce travail est reconnu et apprécié par nombre de nos partenaires, mes homologues me le disent fréquemment. La question qui se pose est de parvenir à ce que des entreprises françaises mettent en oeuvre les projets ainsi financés. Ma collègue Annick Girardin et moi-même sommes attentifs à cette question compliquée.

Comme vous, madame Dagoma, je pense que ne peuvent être considérées comme des précédents les seules clauses qui nous conviennent dans un accord. J'ai mis l'accent sur certains éléments du CETA négociés avec le Canada pour appeler l'attention sur leur importance, mais je n'ai pas dit que nous obtiendrons la même chose dans la négociation avec les États-Unis, où rien n'est acquis. Nous devons poursuivre cet objectif ambitieux en défendant nos intérêts offensifs.

Vous m'avez interrogé sur la position de la France. Le Gouvernement a indiqué à la Représentation nationale que la question du mécanisme d'arbitrage est sur la table. Mais l'honnêteté commande de dire aussi que la France est partie à d'autres accords qui comportent des clauses de ce type, et que d'autres opinions que la nôtre prévalent dans plusieurs pays membres de l'Union européenne. C'est pourquoi nous souhaitons avancer avec l'Allemagne et d'autres pays sensibles comme nous le sommes aux implications de ce dispositif. La France ne prendra pas seule une position qui, isolée, ne serait pas suivie d'effet. Nous avons l'obligation d'avancer à plusieurs, alors que notre position est plutôt minoritaire en Europe. Les interrogations sont, en Allemagne, semblables aux nôtres, au sein des syndicats, des entreprises et des Églises, mais la position du Gouvernement allemand n'est encore définitivement arrêtée. Nous nous efforçons donc de construire des positions communes et de les faire valoir au niveau communautaire.

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