J’apprécie votre tempérament, monsieur le ministre, et je respecte vos qualités, votre engagement et votre travail, mais vous venez de prétendre qu’adopter l’un de ces amendements annulerait tout l’effort que nous avons fourni depuis plusieurs semaines. Est-ce à dire que nous ne pouvons plus amender le texte et qu’il faudrait le voter en l’état ? C’est inquiétant : tant que le vote solennel n’est pas définitif, la représentation nationale doit pouvoir exprimer ses sensibilités.
Je me contenterai donc de rappeler que l’Assemblée n’a adopté le présent texte en première lecture que par 261 voix pour, tandis que la somme des voix contre et des non votants s’élevait à 316 : autrement dit, il n’existe pas de large consensus.
Inspirons-nous du passé. La loi de 1992 sur les intercommunalités, par exemple, a laissé aux communautés le temps de s’organiser – et l’on continue de la peaufiner encore aujourd’hui. Je ne prétends pas qu’il faille une vingtaine d’années pour appliquer une loi, mais il ne s’est écoulé que quelques mois depuis l’annonce de la présente réforme. Le rapport Balladur préconisait que les pouvoirs publics puissent, en concertation avec les élus régionaux et départementaux, mener à bien une réflexion afin de doter notre pays d’une quinzaine de régions dans un délai raisonnable. À ma connaissance, pourtant, il n’y a eu aucune concertation avec lesdits élus.
Les amendements de Mme Lignières-Cassou ont du sens. Le Gouvernement et la commission envisagent de rassembler les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, deux régions dotées des mêmes éléments structurants et qui, si elles sont géographiquement limitrophes, se tournent le dos s’agissant de l’activité économique, des bassins de vie et des échanges. De ce point de vue, je rappelle à M. Valax, élu du Tarn qui a activement plaidé en faveur de ce rassemblement, qu’il existe deux versants : le versant atlantique, où se trouvent le Tarn, le Tarn-et-Garonne et le reste de la région Midi-Pyrénées, et le versant méditerranéen où se trouve la région Languedoc-Roussillon. Il s’opère entre ces deux versants un véritable changement de culture et de climat. Le Languedoc-Roussillon privilégie la viticulture et sa façade méditerranéenne s’étend de Port-Vendres à Sète et au-delà. Son économie est bien différente de la région Midi-Pyrénées, au point que l’on est en droit de s’interroger sur la complémentarité de ces deux régions.
M. Habib indiquait tout à l’heure que si l’on ne peut pas bâtir le Grand Sud-Ouest, c’est parce que s’y trouvent deux grandes métropoles. Pourtant, il se trouvera aussi deux métropoles dans une région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon : Toulouse et Montpellier. En outre, la richesse, le PIB et la population des deux régions se valent. Le Languedoc-Roussillon consacre 44 % de son budget à l’investissement et, de ce point de vue, ce dynamisme, là encore équivalent à celui de la région Midi-Pyrénées, est bien supérieur à celui d’autres régions nouvelles comme la Bourgogne-Franche-Comté, la Normandie ou le Centre.
Voilà donc plusieurs éléments qui vont dans le sens du maintien en l’état de la région Languedoc-Roussillon. J’approuve donc pleinement les amendements présentés par Mme Lignières-Cassou en faveur d’une grande région du Sud-Ouest, car elle a du sens : Bordeaux et Toulouse constituent une unité, et je souhaite que l’Assemblée réfléchisse dans cette direction.