Intervention de Jean Desessard

Réunion du 12 novembre 2014 à 17h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Jean Desessard, sénateur :

Je ne suis pas sûr d'être en mesure de répondre à certaines de vos questions, très pointues.

La commission d'enquête sénatoriale a été créée à la suite du rapport de la Cour des comptes faisant état des incertitudes sur le coût du nucléaire. Notre ambition était de lever ces dernières. Nous avons néanmoins été contraints à plus d'humilité car certaines incertitudes demeurent. Alors que le nucléaire est présenté par ses partisans comme l'énergie la moins chère, nous avons également cherché à étudier les autres modes de production d'électricité.

De nombreuses questions restent non résolues. Nous avons progressé sur plusieurs points. Nous savons désormais que le prix de l'électricité va augmenter tout comme le prix du nucléaire. En revanche, les prix des énergies renouvelables ont beaucoup baissé. C'est vrai pour l'éolien terrestre pour lequel néanmoins se pose la question des possibilités d'implantation de futures éoliennes. L'éolien offshore reste très cher, bien plus qu'au Danemark – de l'ordre de 60 à 70 euros – sans raison apparente. Les prix du photovoltaïque seront certainement très intéressants dans deux ou trois ans.

La question de la gestion de la variabilité reste posée : comment alimenter les réseaux lors des pics de consommation ? Cela nécessite, entre autres, des investissements dans le transport de l'électricité produite par les énergies renouvelables, au cours duquel il est désormais avéré que la perte d'énergie est faible.

Le prix du nucléaire est évidemment conditionné par la durée d'amortissement des centrales – quarante ans –, mais il faut également prendre en compte les temps d'utilisation au cours de l'année. EDF calcule la rentabilité sur un temps d'utilisation global alors que le marché à court terme prend de plus en plus d'importance, de sorte que, certains jours de l'année, l'éolien peut à terme devenir plus compétitif que le nucléaire.

Or, EDF a établi sa rentabilité sur la base d'une utilisation à 85 %. Il faut donc pouvoir garantir à EDF d'acheter la production de ces centrales à un prix qui ne correspond pas nécessairement à celui du marché. Il faut vraiment que l'État soit sûr de son projet pour accepter un tel effort.

Le pouvoir d'achat reste un sujet de préoccupation. Il faut se préparer à une énergie plus chère. Pour autant, la précarité énergétique doit-elle être prise en charge par les consommateurs au nom de la solidarité au travers de la CSPE ? La question est posée. Il faut à tout le moins aider ceux qui n'ont pas les moyens de rénover des logements mal isolés.

La solution pour conserver une facture finale identique en dépit de la hausse des tarifs réside inévitablement dans la diminution de la consommation. Cela suppose la mise en place de programmes d'isolation thermique et d'actions ciblées sur l'électricité spécifique.

Sur le modèle territorial, le rapport suggère d'expérimenter le marché libre de proximité. Mais il reste au stade du questionnement.

Ce sujet est délicat car, ce qui a fait la force d'EDF, c'est un appareil national très performant qui permet d'offrir un service public garantissant un prix identique pour tous. Ce principe doit être conservé.

Mais l'innovation et l'existence des réseaux intelligents obligent les citoyens à s'en emparer. Tout ne peut plus être centralisé. Les citoyens doivent être acteurs de la production et de la consommation. Il faut sans doute leur faire jouer un rôle dans la gestion de la variabilité tout en préservant un service public de qualité.

Quant aux industries électro-intensives, certains considèrent que la place des usines d'aluminium ne peut être qu'en Norvège… Cette boutade cache néanmoins une interrogation légitime : sommes-nous capables de produire de manière compétitive pour certaines usines qui consomment énormément ? Quel coût représente pour le contribuable le maintien sur le territoire de ces industries alors que l'énergie devient chère ? Certains lieux en Europe sont probablement plus propices à certaines activités que d'autres. L'hydraulique offre peut-être une solution pour fournir une énergie bon marché.

Enfin, existe-t-il un autre mode de stockage que l'hydraulique pour gérer la variabilité ? L'hydrogène, qui semble une solution intelligente, n'apparaît pas encore rentable : pour l'hydraulique, la perte en ligne d'énergie, qui serait de l'ordre de 20 à 25 %, est compensée par une gestion astucieuse des creux et des pics. Pour l'hydrogène, en l'absence de données fiables, la perte serait de 45 à 50 %. Or, le prix de l'électricité varie de 10 à 150 euros, voire 200 euros, selon les périodes. Compte tenu de ces chiffres, je ne comprends pas pourquoi l'hydrogène ne se développe pas.

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