Chacun est concerné par la cancérologie pédiatrique. Nous sommes toutefois conduits à émettre quelques réserves sur le texte
Sa rédaction contient trois impropriétés. La fréquence des cancers pédiatriques est en réalité à peu près stable : les études très anciennes ne pouvant être considérées comme fiables, on ne saurait conclure à une augmentation notable de la fréquence des cancers pédiatriques. De plus, comme vous l'avez vous-même rappelé, monsieur Lagarde, les progrès thérapeutiques sont réguliers, voire spectaculaires, alors que la rédaction du texte pourrait laisser à penser le contraire. Enfin, beaucoup est fait en matière de cancers pédiatriques et le troisième Plan cancer – vous l'avez noté – incite à les inclure plus largement dans des essais thérapeutiques labellisés.
Trois raisons médicales président à nos réserves. Premièrement, cette proposition de loi oppose la recherche pédiatrique en oncologie à la recherche générale en oncologie, alors que chacun sait que les lisières sont floues et que, vous l'avez remarqué, ce qui profite à la recherche pédiatrique peut profiter à la recherche chez l'adulte et inversement. C'est notamment le cas des recherches aux plans moléculaire et fondamental.
Il nous paraît d'autant moins opportun d'opposer les deux recherches que – et nous avons également consulté des chercheurs et des spécialistes – la part de financement mise dans la recherche oncopédiatrique est égale ou supérieure à la fréquence de ces cancers.
Deuxièmement, la notion d'individualisation prête à discussion : les cliniciens qui ont lu le texte ont tenu à souligner que tous leurs traitements sont individualisés. Les protocoles thérapeutiques sont adaptés à la constitution de chaque enfant et tiennent compte de chaque paramètre. L'individualisation véritable ne peut être atteinte qu'à l'échelon génétique – vous l'avez noté –, c'est-à-dire par séquençage : or les études sur les thérapies ciblées, qui sont en cours et dont on attend de grands progrès, sont correctement soutenues.
Troisièmement, le texte laisse entendre que la cancérologie pédiatrique souffrirait d'une insuffisante collaboration avec l'étranger. Ce n'est pas vrai. En oncologie, tout essai thérapeutique concluant est immédiatement partagé par la communauté scientifique internationale au sein des centres européens et mondiaux.
De plus, le texte nous paraît mettre en cause la communauté oncopédiatrique, alors que son investissement est énorme, compte tenu des drames vécus par les familles, qu'il convient d'accompagner.
Je tiens enfin à rappeler que l'industrie pharmaceutique participe déjà à la recherche, sous la forme d'une taxation de 1,6 % de son chiffre d'affaires net. Si nous créons une nouvelle taxe, je redoute que les industries pharmaceutiques ne se sentent dédouanées de leur contribution habituelle. Par ailleurs, ce sont, dans la plupart des cas, les industries pharmaceutiques qui introduisent dans les essais thérapeutiques de nouvelles molécules, dont un petit nombre seulement est issu de la recherche publique. Je crains, alors que la recherche des industries pharmaceutiques est déjà bridée par la rareté relative de ces tumeurs, qu'une nouvelle taxe ne les incite à ralentir leurs efforts en la matière, ce qui serait contraire à l'objectif poursuivi par le texte.
Tout en partageant le sens profond de cette proposition de loi, c'est donc avec des réserves que nous l'avons abordée : chaque cas de cancer pédiatrique représente un drame considérable. Loin de nous l'idée de montrer du doigt les familles qui, prêtes à tout pour sauver leur enfant malade, se tournent vers l'étranger où on leur fait miroiter de nouvelles thérapies : que chacun sache que si celles-ci ne sont pas reprises par la communauté scientifique, c'est que leur efficacité n'est pas démontrée.