Des problèmes nous sont aujourd'hui posés qui dépassent largement ceux des cancers infantiles. Nous vivons en effet une véritable révolution de l'industrie du médicament et du financement par cette dernière de la recherche et du développement.
La médecine de demain subdivisera les patients, notamment en cancérologie, en une multitude de groupes et de sous-groupes de plus en plus réduits pour choisir les traitements les plus efficaces et les moins toxiques. Cette évolution se produit alors que l'on constate un recul de l'innovation et des bénéfices de l'industrie pharmaceutique – la plupart des médicaments les plus vendus tombent en effet dans le domaine public. M. Aboud a eu raison de souligner qu'il serait paradoxal d'exonérer de la nouvelle contribution les laboratoires produisant des médicaments génériques, car ils ne font que bénéficier de la recherche des autres. L'industrie pharmaceutique met aujourd'hui sur le marché un nombre insuffisant de médicaments nouveaux pour compenser les pertes liées au transfert dans le domaine public de ses produits qui se vendent le mieux.
Plutôt que d'envisager la mise en place d'une nouvelle taxe, sachant qu'une partie importante sera affectée à sa collecte et servira à contrôler son utilisation, mieux vaudrait s'interroger sur les freins au développement de nouvelles molécules destinées à des populations peu nombreuses. Il faudrait par exemple réfléchir avec les instances de régulation afin qu'elles adoptent des critères d'essais moins exigeants et permettent qu'il soit possible, pour certaines pathologies, de bénéficier des dérogations accordées aux médicaments orphelins.
Nous devrions aussi nous interroger sur la question des brevets. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, l'Office européen des brevets ne permet pas de breveter des méthodes de traitement ; or ces médicaments ciblés sont de plus en plus souvent prescrits après recours à des tests compagnons. L'on devrait également se poser des questions sur la durée de protection des brevets. Elle est aujourd'hui limitée à vingt ans à compter du dépôt alors que dix ans passent en général entre le dépôt du brevet et l'autorisation de mise sur le marché. Autrement dit, la protection n'est effective que durant dix ans ce qui est totalement insuffisant pour amortir les frais de recherche et de développement, sauf à accepter des prix du médicament insupportables pour l'assurance maladie.