Intervention de Jacques Bompard

Réunion du 19 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Réformer le Règlement de l'Assemblée nationale s'avère indispensable et l'on ne peut que louer la majorité de prendre conscience des dysfonctionnements récurrents de l'institution. Cependant, une telle initiative apparaît délicate à conduire à l'heure actuelle. La proposition de résolution se contente de dénoncer les effets de phénomènes qu'elle ne remet pas en question, comme la poursuite d'intérêts personnels par le truchement d'un mandat électif, l'emprisonnement des candidats par des partis devenus des machines centralisatrices, la méconnaissance du réel et des préoccupations des électeurs, qui constituent pourtant l'unique fondement des élus de la nation.

Monsieur le Président et rapporteur, la proposition de résolution s'avère d'autant plus ironique que l'exposé des motifs du texte dénonce la crise de confiance que traverse notre démocratie et qui devrait conduire chacun des responsables politiques à s'interroger sur l'efficacité de son action. Cette crise résulte du déficit de démocratie qu'accuse le Règlement de l'Assemblée nationale. Malgré certaines mesures intéressantes comme le renforcement de la transparence et la tentative de rendre la discussion générale plus utile, le texte révèle surtout une volonté de brider l'expression des députés minoritaires et particulièrement celle des non-inscrits. Ainsi, la mesure ayant pour objet de permettre à la Conférence des présidents de fixer un plafond de questions écrites par député est scandaleuse, car elle revient à brider la parole des élus de la nation. L'insuffisance du taux de réponse du Gouvernement – 22 000 questions sont restées sans réponse à la fin de la précédente législature – ne devrait emporter aucune conséquence sur le droit essentiel des députés d'interpeller les membres du Gouvernement. Les députés non-inscrits pourraient se voir opposer un plafond très bas qui les empêcherait de remplir leur fonction, eux qui ne disposent déjà pas des mêmes droits que leurs collègues appartenant à un groupe politique : leur temps de parole lors des séances publiques est largement inférieur à celui des autres députés, leur possibilité de faire accéder des tiers aux séances s'avère réduit, et ils ne disposent pas de droit de tirage ou de secrétariat administratif.

La rénovation tant attendue de la vie publique passera par une réforme du Règlement de l'Assemblée nationale qui attribuera les mêmes prérogatives à l'ensemble des députés, ce qui ne serait qu'une juste application du résultat des élections législatives. Un tel déni de droit suffit à expliquer le fait que 87 % des Français n'ont pas ou peu confiance dans la classe politique, selon un sondage réalisé en janvier 2014 par OpinionWay pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). La réponse pertinente au déficit démocratique de nos institutions est la reconnaissance de l'ancrage territorial des élus et le renforcement des courants politiques qui pour être minoritaires n'en sont pas moins légitimes.

Je ne doute pas que vous tiendrez compte de mes remarques qui vont dans le sens d'une plus grande démocratie de nos institutions.

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