Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Réunion du 19 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Je suis surpris de cette discussion ainsi que de la position du rapporteur.

Tout d'abord, je suis absolument réfractaire à toute forme de limitation du temps de parole des parlementaires. Si nous pouvons parfois avoir l'impression de perdre du temps dans l'organisation de nos débats, cette perte de temps n'en est pas véritablement une dès lors que l'on s'intéresse aux propos de ses collègues. D'ailleurs, chacun sait depuis Charles Péguy que la répétition a ses vertus... Ce que certains considèrent comme du temps perdu fait partie de l'exercice de notre mandat et de la vie des assemblées délibérantes, quelles qu'elles soient. Le fonctionnement de celles-ci, à commencer par celui du Parlement, est indissociable de la liberté d'expression qui ne doit trouver d'autres limites que celles prévues par notre Règlement.

Ensuite, je constate ici une différence de conception entre la majorité et l'opposition. L'idée selon laquelle deux orateurs pourraient, lors de la discussion générale, épuiser l'ensemble des expressions sur un texte donné me paraît excessive et irréaliste. Si l'on peut le concevoir lors de l'examen de certains textes d'ordre technique, il est des dizaines de textes sur lesquels même les orateurs les plus brillants, synthétiques, complets et exhaustifs ne pourraient exprimer l'ensemble des nuances qui marquent leur groupe.

Je tiens par ailleurs à remercier Patrick Mennucci pour son intervention. Il semble en effet que s'exerce une forme de « dictature » sur nos travaux, des associations ayant retenu certains critères absurdes pour les évaluer, au point que, lorsque nos collègues publient un rapport d'information au terme de six mois de réflexion, leur travail ne compte pas davantage qu'une intervention de moins de vingt secondes dans l'hémicycle et figurant au Journal officiel C'est donc notre liberté par rapport à ces pressions qui est ici enjeu. Nous pourrions certes nous fixer des critères de présence et d'activité. Mais pourquoi ne pas saisir l'occasion qu'offre ce débat pour diffuser hors de nos murs l'idée que le travail parlementaire est plus complexe qu'il n'en donne l'impression ?

Et, s'agissant encore une fois des dispositions de l'article 5 fixant l'organisation de la discussion générale, je comprends l'intention du Président de l'Assemblée nationale et des présidents de groupes. Mais l'on ne peut fixer au début de la législature un temps unique applicable à tous les projets de loi à discuter – qu'il s'agisse de projets de ratification de conventions liant la France à la Bosnie-Herzégovine prenant un quart d'heure dans l'hémicycle, un jeudi après-midi, entre des projets de ratification de conventions conclues avec Monaco et avec la Lituanie, ou qu'il s'agisse de textes tels que celui dont nous avons discuté hier soir.

Je regrette donc que l'amendement du Président Urvoas ne prenne pas en compte la diversité des textes examinés ni celle des expressions au sein d'un groupe. Que le groupe socialiste veuille s'appliquer à lui-même une telle discipline me paraît louable, mais je ne crois pas que chacun des autres groupes doive être tenu d'en faire autant. Je défends donc le principe de liberté d'expression et le droit d'amendement de tous les parlementaires dans le cadre actuel.

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