Intervention de Jean-Philippe Vachia

Réunion du 19 novembre 2014 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes :

La communication que votre Commission avait demandé à la Cour d'effectuer sur le Défenseur des droits vous a été adressée à la fin du mois de septembre. Cette enquête a été menée au premier semestre 2014, dans une période marquée par le décès de Dominique Baudis.

Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante créée par l'article 71-1 de la Constitution et mise en place par la loi organique du 29 mars 2011, qui lui assigne quatre missions : défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l'État, défendre et promouvoir l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant, lutter contre les discriminations directes ou indirectes et veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité. Le texte de la loi résulte d'un compromis entre, d'une part, les tenants du maintien des quatre anciennes autorités administratives et, d'autre part, les partisans d'une rationalisation. Coexistent ainsi, au sein de l'institution Défenseur des droits, incarnée par une personne, les trois anciennes autorités administratives indépendantes – AAI –, sous la forme de trois collèges et de trois vice-présidents.

L'institution s'est mise en place progressivement à partir du dernier trimestre de l'année 2011. Le Défenseur des droits évolue dans un cadre juridique complexe. Il est assisté de trois adjoints, vice-présidents, et de trois collèges. Chaque vice-président peut le suppléer pour présider les réunions de son propre collège, mais c'est la seule compétence propre que leur attribue la loi. À ce propos, je veux signaler brièvement les problèmes soulevés par un événement tel que le décès de Dominique Baudis, qui a posé la question de la non-prolongation du mandat des vice-présidents ; ce dispositif doit sans doute être revu, car l'institution s'est trouvée de facto brutalement en difficulté. Quant aux collèges, ils sont chargés d'examiner les « questions nouvelles ».

L'organisation de l'institution reste marquée par l'héritage des anciennes autorités administratives indépendantes. Bénéficiant d'une grande marge de liberté pour définir les modalités de fonctionnement de son institution, le Défenseur des droits a décidé de favoriser – et nous pensons que c'était la bonne décision – une organisation transversale. Si ce choix est conforme à l'esprit de la loi, il est à l'origine d'un organigramme complexe. À cet égard, la Cour estime que le rôle et le fonctionnement des adjoints et des collèges, qui sont certes définis par la loi organique, devraient faire l'objet d'une réflexion. De même, le secrétaire général et le directeur général des services ont parfaitement rempli leurs tâches au cours de la période de mise en place de l'institution, mais la Cour, soucieuse du bon emploi des deniers publics, juge qu'il sera sans doute possible de faire un effort dans le domaine de l'encadrement administratif supérieur lorsque l'autorité aura atteint son rythme de croisière.

L'institution paraît globalement adaptée au traitement des réclamations, dont le nombre s'élève, chaque année, à environ 80 000. Celles-ci sont partagées entre les délégués locaux et le siège, selon une organisation complexe qui, si elle fonctionne correctement, pourrait être améliorée, notamment en ce qui concerne les onze pôles spécialisés qui constituent le coeur du dispositif. La loi organique a offert au Défenseur des droits différents pouvoirs et moyens juridiques d'intervention, dont certains vont au-delà des capacités dont disposait chacune des précédentes autorités administratives indépendantes. Tous n'ont pas été ou ont été peu utilisés. Ce constat n'est pas nécessairement critique, dans la mesure où l'institution était en phase d'installation ; elle pourra en faire un plus grand usage une fois qu'elle aura atteint son rythme de croisière. S'agissant des collèges, la loi organique avait prévu qu'ils seraient saisis des questions nouvelles, mais leur saisine a en fait été étendue à des questions jugées importantes par le Défenseur.

Par ailleurs, ce dernier doit clarifier ses relations avec les autres institutions. En ce qui concerne la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dont le Défenseur est membre de droit, cette clarification ne paraît pas présenter de grandes difficultés. En revanche, les relations qu'il entretient avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté depuis la loi du 26 mai 2014, qui a renforcé les prérogatives et les pouvoirs du Contrôleur, laissent perplexes. En effet, les champs de compétence des deux institutions se recoupent, de sorte que les modalités de leur coordination mériteraient de faire l'objet d'une nouvelle convention.

J'en viens maintenant à la gestion de la nouvelle institution. Au plan financier, elle nous paraît maîtrisée. Le budget global, qui s'élève à une trentaine de millions d'euros, est comparable aux budgets cumulés des anciennes autorités. Après l'année 2012, qui a été marquée par les effets de la réorganisation et de la refondation du régime de rémunération, l'institution s'est efforcée de réduire ses dépenses, notamment ses dépenses de support. Quelques marges de progression existent toutefois en matière de gestion des marchés.

En ce qui concerne les moyens en personnel, les effectifs étaient, au 30 avril 2014, de 227 équivalents temps plein travaillé, sous et hors plafond, auxquels s'ajoutaient une trentaine de stagiaires. Les effectifs impliqués dans les fonctions support sont moins nombreux que dans les anciennes autorités administratives indépendantes, ce qui est une bonne chose. Un équilibre est à rechercher entre fonctionnaires et contractuels. L'effort d'unification de la politique de ressources humaines a eu un certain coût, mais il a donné des résultats et doit permettre de mieux maîtriser une masse salariale qui s'élevait, en 2013, à un peu plus de 15 millions, soit la moitié du budget. Celle-ci a commencé à diminuer entre 2012 et 2013, notamment du fait du gel des mesures de revalorisation salariale individuelle décidé suite à la refondation du régime de rémunération et du régime indemnitaire, qui s'est traduite, en 2012, par des augmentations pour un certain nombre de personnels. Par ailleurs, l'effet de noria – qui résulte du remplacement d'agents anciens bien rémunérés par des jeunes recrutés à un niveau de rémunération plus modeste – a permis une gestion intelligente de la masse salariale, qui reste cependant à confirmer dans les années à venir, d'autant que la programmation triennale prévoit la suppression de quelques emplois.

S'agissant de la situation immobilière, l'institution a réduit le nombre de ses baux à deux : ceux des locaux de la rue Saint-Georges et de la rue Saint-Florentin. Mais il est clair que la gestion immobilière permettra de réaliser de nouvelles économies le jour où le Défenseur des droits pourra s'installer au sein du bâtiment Fontenoy de l'immeuble dit « Centre de gouvernement de Ségur-Fontenoy », opération qui, a du reste, beaucoup occupé la Cour.

Outre la protection individuelle, le Défenseur des droits a pour mission de promouvoir les droits. Or, l'organisation de cette action nous paraît pouvoir être améliorée. Bien entendu, la Cour est consciente qu'une notoriété accrue de la nouvelle institution pourrait entraîner une augmentation du nombre des réclamations, mais cette action fait partie de la mission du Défenseur.

En conclusion, il apparaît que le Défenseur des droits a repris avec succès les missions et compétences des quatre autorités administratives indépendantes auxquelles il s'est substitué. Cependant, les résurgences de ces dernières ont compliqué la mise en place de la nouvelle institution. Il semble donc que la fusion reste à parachever, mais nous ne doutons pas qu'elle puisse l'être. Par ailleurs, les relations avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sont à clarifier. Enfin, si la gestion de l'institution s'est révélée correcte, des améliorations restent possibles, notamment sur le plan de l'organisation, qui gagnerait à être simplifiée. Le déménagement sur un seul site, attendu au cours du second semestre de 2016, sera un facteur déterminant.

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