Je veux tout d'abord remercier votre Commission d'avoir usé de ses pouvoirs pour demander à la Cour des comptes une communication sur le Défenseur des droits, ainsi que Mme Marie-Christine Dalloz, avec qui je me suis entretenu et qui est très attentive à notre situation. Je sais gré également à la Cour des comptes, en particulier à sa quatrième chambre, d'avoir su accomplir un travail remarquable dans un délai bref et dans des circonstances délicates. Je veux dire à ce propos combien je regrette d'occuper la position où je suis à la suite du décès de Dominique Baudis, dont nous avons apprécié l'oeuvre accomplie ces quarante dernières années, en particulier en tant que Défenseur des droits.
En trente-trois mois, entre juillet 2011 et avril 2014, il a en effet réussi, avec ses équipes, à remplir les deux objectifs fixés par la loi organique de 2011 : créer une institution unique tout en maintenant la visibilité des missions et instances regroupées en son sein. Pour ce faire, mon prédécesseur a mis en place une architecture unique qui traduit la réussite de ce que la Cour des comptes appelle la fusion fonctionnelle. À preuve, nos quelque 400 délégués sont désormais des délégués du Défenseur, et non plus des autorités dont ils relevaient auparavant, et les adjoints – qui ont été maintenus pour assurer une certaine visibilité aux trois missions de protection des enfants, de lutte contre les discriminations et de contrôle du respect de la déontologie de la sécurité – n'ont pas d'autorité hiérarchique sur les services. L'institution n'obéit pas à une organisation en silo ; elle compte un certain nombre de directions, de pôles, de fonctions support, et elle accomplit ses deux missions, protection et promotion des droits, selon des procédures homogènes et des méthodes que je qualifierai d'« intersectionnelles ». Ainsi, l'autorité et la légitimité du Défenseur des droits sont désormais reconnues. Au reste, le fait que certains aient jugé que je n'étais pas digne d'être nommé à la tête d'une institution de la République aussi importante montre bien que le Défenseur des droits a su faire reconnaître son rôle, notamment par le Parlement.
J'ai été entendu dans le cadre de la procédure de nomination prévue à l'article 13 de la Constitution par les commissions des Lois de l'Assemblée et du Sénat. Comptant entretenir des relations très étroites avec le Parlement, j'ai pris l'engagement de me rendre devant ces dernières deux fois par an. Par ailleurs, je rencontre très souvent les parlementaires concernés et je me réjouis de pouvoir intervenir ce matin devant la commission des Finances.
Le rapport dont M. Vachia vient de vous exposer les grandes lignes me paraît intelligent et adapté. La Cour a formulé un certain nombre d'observations auxquelles nous avons répondu par écrit, puis par oral lorsque j'ai été amené à rencontrer les magistrats de sa quatrième chambre. Son rapport, non seulement prend en compte ce qui a été fait depuis trois ans pour créer une institution nouvelle, mais prévoit quelles doivent être les futures évolutions de l'institution. Il est à la fois une critique, c'est-à-dire une appréciation informée, de notre situation et un soutien, puisque la priorité que j'ai fixée à mon action lorsque j'ai pris mes fonctions, le 18 juillet dernier, correspond exactement à ce que je crois être sa principale conclusion politique. En effet, j'estime, à l'instar de la Cour, que si la mission de protection des droits du Défenseur a été convenablement remplie, sa mission de promotion des droits n'a pas été suffisamment développée.
Ainsi, ma tâche est-elle actuellement consacrée au renforcement de la notoriété de l'institution et au développement de l'accès aux droits. Actuellement, nous sommes saisis d'environ 100 000 demandes, soit 80 000 requêtes, dont 20 % sont traitées par les délégués territoriaux et 80 % par le siège ; je souhaiterais que nous allions au-delà, c'est-à-dire que les publics qui ne connaissent pas leurs droits ou ne savent pas que le Défenseur des droits peut les aider à les rendre effectifs s'adressent à nous. De même que nous devons rendre effective l'application des lois, de même nous devons rendre effective l'action des pouvoirs publics en faisant en sorte que les « non-publics » y recourent. Cette préoccupation n'est pas propre au Défenseur des droits, mais, dans le domaine des droits fondamentaux, qui recouvre à la fois la vie quotidienne et la matière juridique, elle peut être particulièrement prégnante. En tout cas, c'est sous cet angle que j'envisage le développement de l'accès aux droits. Dans le même temps, je veux promouvoir l'égalité des droits, en accentuant notre action d'information, de formation, d'éducation et de participation aux réformes législatives, et en faisant des propositions, notamment dans les avis rendus au Parlement, dont le nombre a augmenté en 2013. Encore une fois, cette priorité correspond parfaitement aux recommandations de la Cour des comptes.
Je suis d'ailleurs en train de créer, dans le cadre d'un réaménagement des services, un département de la promotion de l'égalité et de l'accès aux droits, dont le directeur est en cours de recrutement. De la sorte, d'ici à la fin du mois de janvier, je pourrai faire le point sur la mise en oeuvre de cette action de promotion des droits, qui n'est pas nouvelle mais qui doit être renforcée et étendue, notamment en réunissant, comme le recommande la Cour des comptes, les activités de communication, d'études, de recherche et de documentation ainsi que les activités internationales et européennes au sein de ce nouveau département.
Bien entendu, je le dis avec honnêteté, cette action implique des besoins budgétaires. Nous disposons d'un budget et d'emplois ; nous ne sommes pas maltraités. Notre budget triennal est un budget de rigueur, qui imposera notamment une diminution de notre plafond d'emplois. Toutefois, deux éléments doivent être pris en compte, qui impliqueront peut-être que soient prises certaines décisions budgétaires dans les années à venir. Tout d'abord, si l'action de promotion de l'égalité et de l'accès aux droits est une réussite, il est clair que nous aurons de nouveaux besoins en matière de protection des droits. Nous pouvons, certes, améliorer encore notre productivité, notamment en réduisant nos délais de réponse, mais ces gains ont une limite et le nombre d'emplois et de délégués actuel ne nous permettra pas de faire face à un afflux de nouvelles requêtes. Dès lors, soit on prend cet élément en considération, soit on instaure un numerus clausus, ce qui ne me paraît pas particulièrement indiqué en matière de protection des droits fondamentaux.
Ensuite, il faudra prendre en compte les besoins liés à l'emménagement dans l'immeuble Ségur-Fontenoy, qui devrait intervenir en 2016. Si le permis de construire est délivré avant la fin de l'année et si les travaux de rénovation commencent au mois de février, l'opération devrait être achevée dans seize à dix-huit mois, de sorte que les délais seraient respectés. Certes, cette opération nous permettra de réaliser, à partir de 2017, certaines économies grâce à de moindres loyers et à la mutualisation d'un certain nombre de services, mais nous devrons prévoir, dans le budget 2016, les charges liées au déménagement lui-même.
En conclusion, le rapport de la Cour des comptes est pour nous une aide. J'ai défini des priorités qui correspondent à ses recommandations et aux souhaits des députés, en particulier de Mme Dalloz. Mais il faut être vigilant car, en 2016, il conviendra de s'interroger sur d'éventuelles améliorations budgétaires.