Intervention de Jacques Toubon

Réunion du 19 novembre 2014 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jacques Toubon, Défenseur des droits :

Je tiens à rappeler que le Défenseur des droits n'a qu'un seul pouvoir : celui de l'expertise, de la compétence intellectuelle, en particulier dans le domaine du droit. Autrement dit, si l'institution ne peut « aligner » un nombre suffisant de femmes et d'hommes possédant, dans leurs domaines de compétence respectifs, une véritable expertise, extrêmement pointue, et une vision de l'évolution de la société, fondée sur l'ensemble des réclamations que nous recevons, alors nous ne rendrons pas le service attendu de nous. Dans une maison d'état-major comme la nôtre, il y a nécessairement beaucoup plus de colonels que dans les chambrées ! J'ai coutume de nous comparer à un grand cabinet d'avocats, l'un des meilleurs sur la place de Paris, sans me vanter, qui plus est gratuit. Il ne faut pas porter en quoi que ce soit atteinte à cette formidable capacité d'expertise qui nous donne notre autorité et notre efficacité.

Naturellement, nous pouvons nous organiser différemment, en particulier en améliorant nos techniques d'intervention et nos circuits. Ainsi, en 2015, nous compléterons par une nouvelle version le travail accompli en 2013 et 2014 concernant notre système d'information Agora, qui fournit un tableau de bord de notre action, notamment de celle des délégués, ainsi que des relations que ces derniers entretiennent avec le siège.

Je serai clair, madame Dalloz : j'ai besoin de davantage de délégués. N'hésitez donc pas, les uns et les autres, à susciter les vocations ! De ce point de vue, le rapport prixperformance de notre institution est pour le moins satisfaisant. L'une des tâches prioritaires que je me suis données consiste d'ailleurs à travailler avec le réseau ; j'ai déjà effectué trois déplacements à Lyon, Marseille et Bordeaux, et je vais poursuivre sur cette voie, car il se passe autant de choses dans les départements qu'à Paris.

En ce qui concerne le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, j'ai pris la situation telle qu'elle était et je ne crois pas opportun de créer aujourd'hui des polémiques. J'ai avec Adeline Hazan, qui a été nommée en même temps que moi, des relations tout à fait cordiales, lesquelles ne sont d'ailleurs pas nouvelles étant donné les responsabilités que nous avons respectivement exercées, pour elle, au sein de la magistrature, pour moi, comme Garde des sceaux.

La coexistence des deux institutions peut certes poser quelques problèmes aux demandeurs : un détenu ou son avocat est fondé à hésiter entre la saisine du Défenseur des droits – nos délégués assurent des permanences dans 140 lieux de détention – et celle du Contrôleur général, qui n'a pas de représentants locaux. Mais nous avons signé une convention avec le Contrôleur général et nous échangeons autant que possible les demandes qui nous sont adressées selon qu'elles nous paraissent plus spécifiquement destinées à l'une ou l'autre institution.

À l'origine, la fusion semblait logique mais aujourd'hui, surtout depuis l'adoption de la loi du 26 mai 2014 renforçant les pouvoirs du Contrôleur général, je tiens la situation pour acquise et, dans ce contexte, nous nous efforçons au meilleur fonctionnement possible.

Madame Rabault, nous devons assurément tenir compte de la politique de maîtrise des dépenses publiques, et nous le faisons : c'est ainsi que l'on constate sur le triennal une forme de laminage de notre plafond d'emplois. Mais si je m'en tiens au socle construit par Dominique Baudis, je ne répondrai absolument pas à une demande sociale en croissance exponentielle. Avec quels moyens pourrai-je étendre notre action aux « non-publics » ? Ce n'est évidemment pas une demande que je formule, mais la proposition suivante : fin janvier, je préciserai la teneur de notre action prioritaire de promotion de l'égalité et de développement de l'accès au droit, dont je suis en train d'étudier les détails ; je suggérerai alors qu'en 2015, si le président de la Commission, la rapporteure générale et l'ensemble des commissaires en sont d'accord, nos services réfléchissent avec ceux du Premier ministre à l'avenir de nos capacités budgétaires. Peut-être ce travail pourrait-il déboucher, dans le cadre de la loi de finances pour 2016, sur une proposition qui tienne compte des dépenses nécessaires au nouvel emménagement – avant les économies qui en découleront en 2017, en particulier en matière de loyer – et à la mise en oeuvre de nos nouvelles priorités.

Enfin, il faudra bien que nous réfléchissions à une modification de la loi organique du 29 mars 2011. Je propose d'attendre pour cela que l'institution ait atteint cinq ans d'existence, ce qui nous conduirait à l'été ou à l'automne 2016, au moment même où nous emménagerons dans nos nouveaux locaux. Nous disposerons alors de tous les éléments nécessaires pour élaborer une proposition de loi en ce sens, avec les commissions des Lois, des Finances et des Affaires sociales – 40 % des réclamations qui nous sont adressées portent sur la protection sociale, en particulier sur les retraites. Cela nous permettra de régler plusieurs questions d'organisation et de gestion, voire de préfigurer notre action future. J'adresserai également à M. Jean-Jacques Urvoas et à la commission des Lois cette suggestion, qui me paraît être de bonne politique.

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