Intervention de Adeline Hazan

Réunion du 13 novembre 2014 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir conviée à cette audition. Lors de la séance du 28 octobre 2014, votre assemblée a été saisie d'un amendement de Mme la garde des Sceaux proposant un moratoire sur la question – ô combien sensible ! – de l'encellulement individuel. Monsieur le président, vous en avez souhaité le retrait et vous avez proposé de mettre à profit ces quelques semaines qui nous séparent de la fin du mois de novembre pour trouver une autre solution. C'est dans ce contexte que j'ai l'honneur de répondre à votre invitation.

Cette question est au coeur de vos débats, et aussi des préoccupations du contrôleur général des lieux de privation de liberté. S'il est un sujet antinomique aux droits fondamentaux du détenu, c'est bien celui de la surpopulation carcérale qui empêche l'encellulement individuel, en contradiction avec les textes qu'ils soient législatifs ou réglementaires, nationaux ou européens, et avec la jurisprudence du Conseil d'État.

Vous connaissez l'historique de ce principe d'encellulement individuel, que nous souhaitons tous voir traduit dans les faits à brève échéance. Pour les détenus, ce n'est pas seulement un principe car il y va de leur dignité et de leur capacité à exercer des droits fondamentaux tels que le droit au travail, le droit à des relations familiales et le droit à la santé. La surpopulation carcérale empêche le bon exercice de ces droits.

Prévu par la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, l'encellulement individuel devait entrer en vigueur le 15 juin 2003. En fait, son application a été successivement reportée à 2008 puis à 2009. Certes, la loi pénitentiaire de 2009 permet à un détenu de demander son transfert dans un établissement où il pourra obtenir la cellule individuelle qu'il souhaite, mais cette avancée est toute relative : le détenu doit choisir entre une cellule individuelle et le maintien de ses liens familiaux, ce qui n'est absolument pas normal. La loi pénitentiaire de 2009 a reporté l'application de la règle de l'encellulement individuel au 25 novembre 2014. Nous y sommes.

Rappelons la situation en quelques mots et chiffres. Au 1er octobre 2014, les prisons françaises comptaient 66 494 détenus – dont 44 700 en maison d'arrêt, un quart d'entre eux étant en détention provisoire – pour 58 054 places. La surpopulation carcérale atteint en moyenne 134 % dans les maisons d'arrêt, mais ce taux peut grimper à 150 % ou 180 %, voire jusqu'à 200 % dans les établissements d'outre-mer.

L'administration pénitentiaire indique qu'elle n'est pas en mesure de donner le chiffre précis de l'encellulement individuel en maison d'arrêt. C'est bien dommage, car ce chiffre est beaucoup plus important que le taux de surpopulation carcérale. Il peut très bien ne pas y avoir de surpopulation carcérale dans une maison d'arrêt qui ne dispose pour autant d'aucune cellule individuelle : par exemple, si toutes les cellules ont une superficie comprise entre onze et quatorze mètres carrés et qu'elles sont toutes occupées par deux personnes.

Prenons l'exemple de la maison d'arrêt de Dijon, que j'ai visitée avec mon équipe la semaine dernière. Au 3 novembre 2014, avec 235 personnes détenues présentes et une capacité théorique de 185 places, elle affichait un taux global d'occupation de 127 %, c'est-à-dire légèrement inférieur à la moyenne. Seulement 30 % des personnes placées en détention ordinaire – hors quartiers d'isolement, disciplinaires ou réservés aux mineurs – bénéficiaient d'un encellulement individuel : 28 % chez les hommes et 42 % chez les femmes. Nous allons effectuer cette comptabilité à chaque visite, puisque l'administration pénitentiaire ne peut pas la faire.

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