Intervention de Paul Mbanzoulou

Réunion du 13 novembre 2014 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Paul Mbanzoulou, directeur de la recherche de l'école nationale d'administration pénitentiaire :

Outre le fait que le préfet est chargé de la sécurité, l'enjeu en cause a une portée transversale ne se limitant pas à l'institution judiciaire et à l'administration pénitentiaire. Il s'agit en réalité d'une question de société, l'opinion publique étant très sensible aux pratiques d'exécution des peines. De plus, lorsque j'évoque le préfet, je songe en réalité à l'ensemble des acteurs concernés par le contrat local de sécurité, l'objectif étant de conférer davantage de poids aux préconisations qui pourraient être formulées par cette instance locale. Dès lors que la solution du numerus clausus est exclue, les autorités qui prononcent des mesures et celles qui les mettent à exécution doivent pouvoir se parler afin d'assigner des seuils précis et des critères qu'il leur faudra définir – en termes de suroccupation et de difficulté à organiser les parloirs et à proposer des activités aux personnes incarcérées. La définition d'indicateurs chiffrés locaux pourrait s'avérer plus efficace que celle d'indicateurs nationaux, la situation des établissements pénitentiaires n'étant pas identique d'une direction interrégionale à une autre. C'est pourquoi je préconise la création d'une instance locale de régulation officielle se réunissant à intervalles réguliers et qui aurait pour objet d'examiner la situation d'occupation des établissements relevant de leur ressort.

Quant à savoir si une occasion a été manquée, j'ai eu le bonheur d'être auditionné par le rapporteur de votre commission préalablement à l'adoption de la loi du 15 août 2014 : j'avais alors regretté que l'accent que l'on avait souhaité mettre sur le milieu ouvert, en créant une peine qui n'ait comme référence que ce dernier, ait été légèrement dévié, puisque la possibilité d'une incarcération a été introduite. En même temps, cela fut l'occasion de beaucoup d'échanges, et notamment d'une conférence de consensus en amont. Il me semble donc que le débat a eu lieu. Mais le temps du débat diffère de celui qui est nécessaire à l'évolution des mentalités. Et le débat lui-même a sans doute souffert d'un antagonisme politique qui a empêché toute analyse objective et conduit à jeter l'anathème sur certaines réflexions. Cela a parfois eu pour effet d'inhiber des initiatives.

Par contre, la loi comprend une disposition intéressante : la possibilité d'instaurer des mesures de justice restaurative à chaque stade du procès pénal. Nous verrons comment cette disposition se traduira dans les faits, notamment dans le domaine de la médiation pénale. Si j'ai beaucoup écrit sur le sujet, j'ai aussi eu l'opportunité, lorsque j'étais professeur à l'université de Pau, d'être médiateur du procureur de la République pendant six ans, chargé des questions familiales – violences conjugales, non-présentation de l'enfant, abandon de famille. Je sais par conséquent que ces mesures peuvent permettre de rétablir le lien social et de responsabiliser les protagonistes mais aussi de désengorger les tribunaux.

L'occasion n'a donc pas été complètement manquée ; il convient à présent de continuer à nourrir notre réflexion générale sur la chaîne pénale. J'ai eu l'occasion d'animer la première expérience des rencontres détenus-victimes à la maison centrale de Poissy : si cette possibilité existe aujourd'hui dans la phase d'exécution de la peine, il reste beaucoup à construire afin que la prison ne soit plus toujours la bonne à tout faire du système pénal.

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