Intervention de Jean Bizet

Réunion du 28 octobre 2014 à 18h00
Commission des affaires européennes

Jean Bizet, Président :

Merci, madame la présidente, de nous accueillir à l'Assemblée nationale pour cet échange avec des parlementaires européens. Nous avons la même analyse sur le paquet énergie-climat. Malgré tout, un équilibre a été recherché entre les secteurs qui sont soumis au SCEQE et ceux qui ne le sont pas. Les très grandes disparités nationales au sein de l'Union constituent une difficulté objective. La directive efficacité énergétique de décembre 2012 n'a été correctement mise en oeuvre que par la moitié des États membres. En mars 2014, plusieurs États membres de l'Europe centrale et orientale avaient demandé un partage équitable du fardeau pour atteindre les objectifs climatiques à l'horizon de 2030.

En définitive, l'accord est passé par des compromis sur les questions sensibles dans certains États membres : la Pologne a ainsi obtenu la possibilité d'allouer gratuitement des quotas au secteur énergétique à hauteur de 40 % des quotas qui lui sont alloués ; une réserve de 2 % de quotas a été créée pour répondre aux besoins d'investissements lourds des États à faible revenu ; dans le secteur non soumis au SCEQE, les objectifs des États membres dont le PIB par habitant est supérieur à la moyenne feront l'objet d'un ajustement pour tenir compte du rapport coût-efficacité de l'effort supplémentaire qui leur est imposé. Il s'agissait là de prendre en compte la situation des petits pays ayant un PIB par habitant élevé, c'est-à-dire essentiellement le Benelux, la Finlande et l'Autriche.

L'objectif, en matière d'efficacité énergétique, a finalement été fixé à 27 % et non à 30 % comme envisagé initialement. Une clause de révision a été prévue en 2020. Le compromis final invite aussi à prendre des mesures urgentes pour atteindre un objectif minimal de 10 % d'interconnexion électrique d'ici à 2020, au moins pour les États membres qui n'ont pas atteint un niveau minimum d'intégration dans le marché intérieur de l'énergie. Sont concernés essentiellement les pays baltes, le Portugal et l'Espagne.

Le Conseil européen a retenu une approche pragmatique en ce qui concerne les transports et l'agriculture. La Commission est invitée à étudier les instruments et mesures nécessaires pour promouvoir la contribution de ces secteurs à la réalisation des objectifs. Enfin, le Conseil a approuvé de nouvelles mesures relatives à la sécurité énergétique, notamment la mise en oeuvre de projets d'intérêt communs cruciaux dans le secteur du gaz, tel que le corridor gazier nord-sud.

L'Union européenne se positionne ainsi comme pionnière de la lutte contre le changement climatique mais elle doit aussi veiller à ne pas se fragiliser de manière unilatérale : un principe de réciprocité doit s'appliquer. Citons quelques chiffres : l'Europe représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ; entre 1990 et 2011, ces émissions ont augmenté de 214 % en Chine, de 130 % en Inde et 8 % aux États-Unis, alors qu'elles baissaient de 18 % dans l'Union européenne.

Les risques de désavantage compétitif pour nos industries, notre agriculture et notre secteur des transports ne peuvent être sous-estimés : des millions d'emplois directs et indirects sont en jeu. Une réponse internationale est requise d'où l'intérêt de la COP 21 à Paris en 2015. Si la désindustrialisation de l'Union européenne a des causes multiples, le prix de l'énergie y joue un rôle croissant depuis la révolution du gaz de schiste aux États-Unis. La France et l'Allemagne peuvent jouer ensemble un rôle clef et donner une impulsion décisive dans le domaine énergétique.

Dans un récent rapport sur la coopération énergétique franco-allemande, j'avais fait valoir que l'Union européenne devait financer la transition énergétique tout en soutenant sa réindustrialisation. Les faibles prix de revient caractérisant la filière électronucléaire apportent la seule ressource disponible à même de financer cette évolution. D'ailleurs, dans ses conclusions, le Conseil européen fait expressément référence au recours à « des sources d'énergie autochtones et à des technologies sûres et durables à faibles émissions de CO2. » Chacun y trouvera la définition qu'il voudra mais, apparemment, ce serait celle du nucléaire.

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