Intervention de Pascal Durand

Réunion du 28 octobre 2014 à 18h00
Commission des affaires européennes

Pascal Durand, député européen :

Pour vous répondre par un clin d'oeil, je vous dirais que l'industrie nucléaire a bien réussi le pari d'assurer sa stabilité financière et d'investissements puisque l'EPR qui va être construit en Angleterre a déjà défini le rachat du coût de l'électricité sur trente-six ans. En tant qu'avocat je me réjouis des propos que je viens d'entendre : pendant des années, nous nous sommes battus pour que les industriels puissent avoir une visibilité d'au moins cinq à dix ans, c'est-à-dire le minimum pour réaliser des investissements. Or les gouvernements, de gauche ou de droite, n'ont cessé de changer les critères, ce qui a conduit à un terrible échec humain puisque plus 14 000 emplois ont été perdus dans les énergies renouvelables l'an dernier en France, pendant que ce secteur créait entre 340 000 et 350 000 emplois nets en Allemagne.

Nouveau député européen, je suis un élu écologiste – cela n'étonnera personne après mon introduction sur le nucléaire – d'Île-de-France. Je suis très attaché à ce que les objectifs à tenir en terme d'énergie et de climat ne soient pas un frein au développement économique et social de l'Europe. Vous avez raison d'insister sur ce point, mais je ne suis pas sûr d'en tirer les mêmes conclusions que vous. Je pense que l'Europe est en train de passer à côté des opportunités qui s'offrent à elle dans le domaine du développement économique et social : nous sommes en train de rater la construction d'une Union européenne de l'énergie, sur le modèle de ce que nos pères ont réussi en créant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), il y a une soixantaine d'années.

Nous sommes en train de renationaliser les politiques et, plus que les objectifs chiffrés, c'est le principal échec de la dernière réunion du Conseil. Tout le monde adore se battre sur les pourcentages, notamment les ONG qui ont tendance à faire de la surenchère, mais, pour ma part, je me contenterais très bien de 35 % plutôt que de 40 %, à condition que l'objectif soit réellement atteint et qu'il le soit de la bonne manière.

Une réduction de 40 % des émissions va-t-elle faire baisser la température de deux degrés, de trois degrés ? Oublions cela. En revanche, je suis très inquiet en ce qui concerne les objectifs en matière de sobriété et d'efficacité énergétiques car ils n'ont plus de caractère contraignant et qu'ils ont été renationalisés. Au moment où nous nous trouvons en concurrence avec la Chine, le Brésil, les États-Unis, cela n'a aucun sens de laisser chacun des États essayer de résoudre cette problématique dans son coin.

Or la sobriété énergétique est la meilleure des réponses à la question sociale et industrielle : il s'agit d'emplois non délocalisables impliquant un savoir-faire qu'il est possible de développer dans les petites et moyennes entreprises et chez les artisans. Ces entreprises ont aussi besoin de normes pour former des apprentis qui, pour l'heure, sont surtout formés à l'enrobé et au béton plutôt qu'à ces métiers où il n'y a pas nécessairement beaucoup de débouchés. En ne fixant pas des objectifs contraignants en matière de sobriété et d'efficacité énergétiques, l'Europe ne rend pas service aux industries et ne contribue pas à créer des emplois et des débouchés pour la jeunesse, ce qui est pourtant la priorité du président Juncker.

Venons-en aux énergies renouvelables. Monsieur le président Bizet, contrairement à vous, je pense que le nucléaire est déjà plus coûteux que les énergies renouvelables et qu'il va l'être de plus en plus, ne serait-ce que pour des raisons de normes de sécurité, comme nous pouvons le constater avec la construction d'EPR. Personne ne doute que Bouygues sache faire du béton mais la construction des centrales est de plus en plus longue et elle coûte de plus en plus cher parce que les normes de sécurité se durcissent. Il ne faut pas se tromper d'enjeux et faire croire que l'électricité nucléaire est moins chère. Tenons pour acquis l'objectif de mix énergétique donné par le Président de la République et faisons en sorte que la France réussisse ce changement.

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