Intervention de Gilles Savary

Réunion du 28 octobre 2014 à 18h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

En dépit de la volonté de la Commission Juncker de mettre en oeuvre une politique keynésienne de relance, force est de constater que cette relance ne démarre pas. Dans plusieurs pays, on ne peut guère faire plus en termes de déficit public – en France, notamment, on est aux taquets avec un déficit de 4,4 % – et une telle approche montre donc ses limites. Les taux d'intérêts prêteur sont historiquement bas, les prix de l'énergie sont extrêmement bas également, le tout dans un contexte de relance monétaire quantitative : comme on le voit, les problèmes sont donc plutôt à rechercher ailleurs.

J'estime qu'il faut prendre comme de bon augure les 300 milliards d'euros de M. Juncker, sans y voir la panacée. Au demeurant, chacun sait qu'à partir du moment où l'on dispose de perspectives budgétaires septennales et où le budget européen est abordé dans un esprit plutôt malthusien, cette somme correspondra davantage à des redéploiements qu'à des ressources supplémentaires : on va rechercher les crédits sous-consommés pouvant faire faire l'objet d'un redéploiement – via le Fonds de cohésion plutôt qu'au moyen du Fonds européen de développement économique régional (FEDER).

Nous sommes un vieux continent où s'offrent des opportunités sous la forme de nombreux marchés de renouvellement. Si nous voulons relancer les investissements, nous devons nous situer à la charnière de l'innovation, de la recherche, et de la production qui peut être faite sur la base des avancées obtenues. À l'heure actuelle, s'il y a beaucoup d'innovation dans les laboratoires de France et d'Europe, les productions se font généralement ailleurs, faute de savoir convertir les avancées au moyen d'un entreprenariat adapté : c'est ainsi que nos brevets partent pour l'étranger, le plus souvent aux États-Unis. C'est là un problème ne se limitant pas à la relance de l'investissement public, mais d'ordre structurel.

À mon sens, il est important que nous apprenions à investir aussi dans l'immatériel, en identifiant les créneaux d'avenir qui nous permettraient de créer des marchés d'équipement dans des domaines nouveaux. Je regrette que la politique énergétique européenne se limite, comme dans bien des domaines industriels, à considérer que le marché intérieur fait la politique industrielle. Or, si quelques mesures de gouvernance du marché – consistant à supprimer les frontières, séparer les patrimoines, les réseaux et les exploitants – peuvent aboutir à la création d'un marché, elles ne suffisent pas à engendrer les plus-values qui feront la croissance. Il serait donc intéressant de ne pas se limiter à faire de la distribution de crédits européens à des projets nationaux, mais de mettre sur pied de grands programmes intégrés dans des domaines d'avenir.

L'un de ces programmes pourrait consister en l'accélération de la filière hydrogène, qui est l'une des façons permettant de stocker les énergies alternatives, mais aussi de faire rouler les voitures, qui sont en train de supplanter le train. À ce sujet, nous allons prochainement libéraliser le marché du transport par car ; les responsables de la Deutsche Bahn, avec lesquels je me suis entretenu ce matin, m'ont expliqué que, mise en oeuvre en Allemagne, cette mesure avait eu pour conséquence la fermeture de lignes ferroviaires, ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait que le prix d'un siège de car ne représente qu'un quart du prix d'un siège de train, et étant précisé que nos voisins ont fait le choix de trains moins rapides – ils rouleront tous à moins de 250 kilomètres à l'heure dans les dix ans qui viennent, mais plus confortables et moins chers. Favoriser ces grands programmes intégrés ne correspondait pas à l'orientation suivie par M. Barroso et, sans en être convaincu, j'espère que M. Juncker saura prendre dans ce domaine les décisions qui s'imposent.

Il existe à l'heure actuelle un programme européen physique intégré, celui des réseaux de transport RTE-T, qui représente un énorme travail d'interconnexion à partir d'investissements quasi directs de l'Union européenne. Ce programme comporte de grands projets, tels que la liaison Lyon-Turin et le tunnel de base du Brenner, mais aussi d'autres beaucoup plus modestes – je pense notamment au travail de trois ans que j'ai effectué en vue de coordonner une ligne ferroviaire traversant sept États membres de l'Union européenne à 140 kilomètres heure. J'estime que, sur le même modèle, nous devrions entreprendre de tels travaux, longs mais très utiles, dans d'autres domaines stratégiques, en particulier celui de l'énergie. J'y vois une forme d'intégration et de dénationalisation des stratégies de relance.

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