Intervention de Virginie Rozière

Réunion du 28 octobre 2014 à 18h00
Commission des affaires européennes

Virginie Rozière, députée européenne :

La question des sources de financement de la somme de 300 milliards d'euros sur trois ans est loin d'être résolue : en dépit des demandes formulées à ce sujet auprès de M. Juncker et des commissaires européens durant toute la durée des auditions, nous n'avons jamais obtenu de réponse claire. Plusieurs pistes sont évoquées et, sur ce point, la conviction du groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates est que, pour sortir de la spirale déflationniste, nous avons besoin d'investissements supplémentaires, puisque la politique de la Banque centrale européenne, de plus en plus permissive au niveau monétaire, ne suffit manifestement pas. Aujourd'hui, il n'y a pas d'intérêt à investir dans la mesure où nous sommes confrontés à un gros problème en termes de carnet de commandes : l'activité économique est fortement ralentie, et il y a peu de demande. Nous avons donc besoin de 300 milliards d'euros supplémentaires comportant une forte proportion d'investissements publics, mobilisables très rapidement, si l'on veut créer un effet de relance.

Un redéploiement des fonds structurels aurait un effet quasi nul, et nous plaidons plutôt pour la mobilisation de fonds du Mécanisme européen de stabilité (MES) afin de recapitaliser substantiellement la Banque européenne d'investissement – sur la base d'un ratio d'un à dix, il faudrait injecter 30 milliards d'euros à la BEI.

Une autre piste consiste à mobiliser les investisseurs publics nationaux de manière coordonnée, éventuellement sur des projets communs – je pense à la Caisse des dépôts et consignations pour la France, et à ses équivalents dans les autres pays européens. Pour obtenir un véritable effet de relance, nous allons devoir être efficaces en sortant de la logique du juste retour – ce qui ne sera pas facile – et en écartant toute idée de macro-conditionnalité pouvant conduire à la suspension des fonds structurels en cas de déficit excessif de l'État : de ce point de vue, les politiques appliquées aux pays du sud de l'Europe ont largement fait la preuve de leurs effets récessifs, dont le FMI et la BCE sont désormais convaincus.

Si le besoin d'investissement ne fait plus débat, il reste à déterminer vers quel secteur les fonds – qu'il est impératif de mobiliser très rapidement – doivent être dirigés. La politique en matière d'énergie et de climat sera évidemment cruciale, mais l'appel à une politique d'approvisionnement énergétique commune au niveau européen pose un problème, à savoir que si une compétence est spécifiquement exclue des compétences communautaires dans les traités, c'est bien celle relative à l'énergie. Dès lors, le seul levier en ce domaine réside dans la politique d'énergie-climat, qui peut permettre de déterminer des objectifs et de mettre en oeuvre des déclinaisons au niveau communautaire. Les récentes tensions géopolitiques se sont traduites par un réflexe de nationalisation des politiques où chaque État a réagi différemment à la crise russo-ukrainienne, et tout l'enjeu consistera bien à coordonner ces politiques nationales.

La filière hydrogène constitue l'un des moyens de nature à permettre de gérer l'intermittence des sources d'énergie renouvelable. La France présente actuellement un certain retard dans un domaine où d'autres pays en sont au stade des applications concrètes. Ainsi le Danemark, afin de ne plus être obligé de vendre son électricité à perte durant les périodes de surproduction, a mis en place une infrastructure hydrogène permettant de stocker l'énergie pour la mettre sur le marché ultérieurement, lors d'une période plus favorable. En la matière, la France aura un choix stratégique à faire, mais elle est tributaire de certains grands acteurs économiques français. On sait que le développement de la voiture électrique s'est trouvé freiné par un déploiement trop lent du réseau de bornes de recharges : de la même manière, alors que la technologie de la filière hydrogène est maîtrisée en termes de recherche et développement, elle risque de ne pas pouvoir se développer aussi rapidement qu'elle le devrait si l'industrialisation ne suit pas – il faudra pour cela une volonté des industriels, ainsi qu'une approche coordonnée du côté énergéticien comme du côté des développeurs d'applications et de services, dans le domaine de l'automobile, du stockage ou des sources d'approvisionnement local.

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