Intervention de Jean-Louis Roumegas

Séance en hémicycle du 24 novembre 2014 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, tel qu’il était sorti de notre enceinte, comprenait des mesures positives, notamment l’octroi du tiers payant intégral et la suppression des franchises médicales pour les bénéficiaires de l’aide au paiement d’une complémentaire de santé, l’ACS. Toutefois, ce texte restait selon nous par trop marqué par le pacte de responsabilité et la logique d’exonérations sans conditions pour les entreprises, ce qui conduisait à une perte de recettes de 6,3 milliards d’euros pour les comptes sociaux – quoique celle-ci, d’après ce qui avait été annoncé, dût être compensée par le budget de l’État.

L’examen du projet de loi par le Sénat a montré ce que ferait la droite si elle était au pouvoir : report de l’âge de la retraite à 64 ans, instauration de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, inscription de 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires en matière de dépenses de santé – alors qu’un ONDAM de 2,1 % était à nos yeux déjà insuffisant –, rétablissement de la franchise médicale pour les bénéficiaires de l’ACS, ou encore exonération de cotisations vieillesse pour les médecins retraités volontaires pour le service.

Nous n’oublions pas qui est responsable de l’instauration des franchises en 2008, mais nous aurions souhaité que la majorité actuelle, qui avait combattu à l’époque cette mesure, s’engager à les supprimer totalement.

Aujourd’hui, après l’examen du texte en commission, nous saluons la volonté de rétablir l’article 29, qui accorde le tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’ACS dès le 1er juillet 2015 ; nous espérons qu’il s’agisse d’un premier pas vers un tiers payant généralisé. Nous regrettons en revanche que les amendements de nos collègues de l’UDI tendant à fiscaliser davantage les primes de départ des dirigeants et les retraites chapeaux aient été rejetés.

On ne peut en outre que s’inquiéter du mauvais sort réservé à l’amendement de notre rapporteur Gérard Bapt, qui avait judicieusement introduit dans le texte une disposition visant à dissuader les dirigeants d’entreprises de se rémunérer en dividendes plutôt qu’en salaire, par une augmentation adéquate de la fiscalité ; nous regrettons que le Gouvernement ait restreint la portée de cette mesure en en exonérant les sociétés anonymes et les sociétés par actions simplifiées.

Enfin, nous continuons à dénoncer les conditions dans lesquelles ont été réalisées la modulation des allocations familiales et la réforme de la politique familiale. Ces mesures conduiront à de minuscules économies, mais au prix de gros dégâts politiques, car elles mettent fin à un consensus national. Le sujet n’était pourtant pas tabou pour nous, mais il eût fallu l’inscrire dans une réflexion plus large sur la politique familiale, comprenant par exemple la révision du quotient familial et l’extension de l’allocation au premier enfant.

La réforme du congé parental, qui sera mise en oeuvre par voie réglementaire, ne permettra pas, en l’absence d’une revalorisation de l’allocation, un véritable rééquilibrage entre le père et la mère, mais elle provoquera une perte sèche pour les familles qui, souvent, n’ont pas le choix.

Nous continuerons également à soutenir l’alignement des droits à la consommation des cigarillos et tabacs à rouler sur ceux des cigarettes, ainsi que la fin de l’ingérence de l’industrie du tabac dans la prévention tabagique, notamment au moyen d’une réforme de la gouvernance des politiques anti-tabac.

Pour conclure, le présent projet de loi de financement de la Sécurité sociale reste selon nous marqué par les choix budgétaires du pacte de responsabilité, que nous ne partageons pas. La Sécurité sociale y est envisagée sous un angle purement budgétaire, comme une charge à réduire et non comme un investissement dans la protection et le bien-être.

L’attitude de la droite au Sénat est, certes, une caricature, caricature de régression et de déni, au détriment des usagers les plus fragiles, mais cela ne doit pas non exonérer ce gouvernement : il tarde à saisir l’urgence de la prévention, l’urgence des politiques de précaution, seules politiques à même de dénouer le noeud gordien dans lequel toute la société est enserrée, car, pour nous, la crise de la Sécurité sociale est avant tout une crise sanitaire. C’est pourquoi nous ne pourrons pas plus qu’hier voter en faveur de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

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