Nous entamons l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, dans des conditions bien différentes de celles de l’année dernière. Ce texte a en effet été largement amélioré par le Sénat : des mesures de bon sens, des garde-fous ont été adoptés par les sénateurs. Je pense notamment aux dividendes des dirigeants de sociétés que vous vouliez assujettir aux cotisations sociales, ce qui aurait été une véritable catastrophe. On ne peut pas payer deux fois ! Je pense aussi à l’augmentation déraisonnable du prix des cigarettes, que même le Gouvernement a hésité à accepter. Les sénateurs ont par ailleurs renforcé une bonne mesure concernant les emplois à domicile.
Le Sénat a donc réalisé un excellent travail ; malheureusement, vous vous apprêtez à revenir au texte tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, au moyen d’amendements examinés par la commission suivant la procédure prévue à l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale. C’est dommage, car cette version est très mauvaise : la sagesse du Sénat nous aurait été bien utile !
Les rapporteurs au Sénat ont, de plus, indiqué que le déficit prévu par ce PLFSS, de 13,3 milliards d’euros, était « peu crédible », en raison du scénario trop optimiste retenu par le Gouvernement. Je crois que tout le monde en est conscient. La croissance potentielle de la France est estimée à 1,2 % : c’est déraisonnable. L’équilibre financier de notre système de protection sociale n’est pas assuré à moyen ni à long terme, et ce ne sont pas les quelques milliards d’euros d’économies que vous prétendez réaliser qui nous permettront de le sauver.
Je répète, Mme la présidente de la commission adore ça, que le déficit cumulé de notre système de Sécurité sociale s’élève à 176 milliards d’euros ! Il faut donc prendre des mesures très fortes. Comme nous le rappelle le Sénat, les prélèvements obligatoires ne sauraient être perpétuellement mobilisés pour combler l’écart croissant entre dépenses et recettes de protection sociale, à moins d’en alourdir encore le taux alors même que la compétitivité des entreprises et l’attractivité de notre pays reculent. Il est donc indispensable d’engager des réformes pérennes. Le Sénat en a esquissé quelques-unes, dont les économistes considèrent d’ailleurs qu’elles sont normales, comme le relèvement graduel de l’âge légal de départ à la retraite à soixante-quatre ans pour 2024, des économies sur les dépenses de soins de ville et dans les hôpitaux ou encore la lutte contre les actes inutiles. Ces mesures de bon sens sont d’ailleurs régulièrement préconisées par la Cour des comptes.
Le Sénat a pris une bonne mesure en instaurant trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, en vigueur dans le secteur privé et que plusieurs propositions de loi de notre groupe évoquent. Il s’agit en particulier d’une demande formulée directement au Président de la République par la Fédération hospitalière française regroupant les directeurs d’hôpitaux publics. Rétablir trois jours de carence dans la fonction publique permettrait d’économiser les 75 millions d’euros que versent les hôpitaux publics à des agences d’intérim. Comme vous y renoncez, chers collègues socialistes, l’hôpital public qui cumule les déficits continuera à payer aux agences d’intérim des sommes énormes. Vous joignez au manque de courage l’aberration économique.
D’ailleurs, Alain Tourret, que vous connaissez bien et qui est élu sur vos bancs, vient de rédiger un rapport préconisant de lutter contre l’absentéisme dans la fonction publique en instaurant un jour de carence, alors même qu’il fait partie de votre majorité. C’est drôle, c’est exactement ce que nous préconisons ! Peut-être le bon sens finit-il par gagner certaines personnes de gauche ! Nous en sommes un peu rassurés, mais dans le PLFSS, il n’y a rien ! Et que dire de vos mesures anti-famille ? On l’a beaucoup dit, le caractère universel des prestations a disparu, comme d’ailleurs celui de la Sécurité sociale en raison de déconvenues juridiques probables. Ainsi, le caractère universel de la Sécurité sociale comme du système d’allocations est remis en cause !