Intervention de Jean Lassalle

Séance en hémicycle du 25 novembre 2014 à 9h30
Questions orales sans débat — Conséquences de la disparition des cantons ruraux et montagnards dans le cadre de la réforme territoriale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Lassalle :

Ma question, qui s’adresse également à M. le ministre de l’intérieur, revient encore sur une situation que je vis douloureusement – et sans doute ne suis-je pas le seul : la réforme territoriale que vous menez à contre-courant, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler voici quelques jours dans cet hémicycle.

Je l’aborderai aujourd’hui sous un autre aspect : nous ne tenons aucun compte des erreurs que nous avons commises dans un passé récent. Ainsi, pour ce qui est de l’Europe, s’il est un peuple qui a soutenu la construction européenne, c’est bien le nôtre. La France a été l’une des mamans de l’Europe et, quand on voit aujourd’hui le résultat auquel nous sommes parvenus – un sentiment terrifiant de rejet –, on est bien obligé de se poser des questions. Je me souviens de l’époque où je disais en vain qu’il n’était pas sain de procéder par ordonnances présidentielles pour traduire dans les textes français des directives européennes entières, sans aucun débat du Parlement. Je l’ai répété dix fois, mais personne n’en a jamais tenu compte. Il ne faut pas s’étonner qu’aujourd’hui nos compatriotes ne sachent plus ce qu’il en est exactement.

Il en va de même pour la dette, dont nous n’avons jamais parlé et dont nos concitoyens se demandent maintenant d’où elle vient – je n’ajouterai pas les qualificatifs qu’ils lui accolent. Nous sommes aujourd’hui plus endettés qu’au lendemain de la guerre, mais on n’a jamais donné d’éléments d’explication.

Aujourd’hui, votre gouvernement continue sur cette ligne avec la réforme du territoire de notre pays – car il ne s’agit pas d’un pays voisin ou de l’autre bout du monde, mais bien du nôtre, dans lequel certains d’entre nous sont en responsabilité depuis très longtemps. Puis-je croire un seul instant sans me faire du mal que ce que j’ai accompli à la tête de ma commune pendant 40 ans était totalement inutile et serait remplacé par d’immenses intercommunalités ?

L’insécurité qu’évoquait voilà un instant M. Jean-Claude Bouchet à propos du territoire dont il est élu ne fera qu’augmenter. En effet, dès lors qu’il n’y aura plus de démocratie locale – ce qui sera le cas, car on n’élira plus au suffrage universel les conseillers généraux, qui étaient jusqu’à une date récente les mieux élus dans les territoires –, il y aura absence totale de débats. Il en ira de même pour les maires. Ne nous racontons pas d’histoires : bien qu’on ne le dise pas, nos 36 000 communes, ou du moins les 20 000 communes de moins de 1 000 habitants, disparaîtront en silence, car il n’y aura plus aucun intérêt pour des hommes ou des femmes de prendre autant sur leur temps pour les administrer. Qui restera-t-il alors sur les territoires pour incarner la République ? Je n’ai pas de réponse à cette question.

Je suis, enfin, très inquiet de constater que nous ne nous préparons pas, hélas, à des situations comparables à celle que nous avons connue avec les « bonnets rouges », et qui nous pendent au nez. Heureusement que vous avez eu le réflexe de fixer à nouveau la date des élections cantonales au mois de mars et celle des régionales au mois de novembre, et que l’UMP et les autres partis ont la bonne idée de s’étriper, ce qui, malheureusement, intéresse un peu nos compatriotes, sans quoi l’année 2015 aurait été redoutable. Nous ne nous préparons aucunement à ces heurts qui auront lieu.

Ce qui est arrivé à ce malheureux garçon au bord d’un lac collinaire devrait nous interpeller. Tous nos compatriotes devraient savoir que les manifestations deviendront de plus en plus dangereuses car, au milieu des déstabilisateurs de tout poil qui ont toujours existé depuis que les hommes sont hommes, on y trouve aujourd’hui des individus très dangereusement armés, ce qui ne manquera pas de poser très vite un problème.

Pourquoi et pour quel résultat décourager ce million d’hommes et de femmes entièrement bénévoles qui administraient notre pays dans un souci d’idéal, parce qu’ils croyaient à la politique et à notre pays ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion