Les décrets d'application de la loi ESR ont, pour la plupart, été pris. Les dispositions que vous avez votées peuvent ainsi être mises en oeuvre, certaines l'ayant déjà été de manière anticipée.
La politique du Gouvernement en matière d'enseignement supérieur et de recherche repose sur deux piliers : la réussite pour le plus grand nombre, d'une part, et l'excellence de la recherche, avec des moyens préservés, d'autre part.
Initialement en hausse de 45 millions d'euros pour 2015, le budget, qui, avec 23 milliards d'euros, est le troisième de l'État, subit, à l'issue de la discussion du projet de loi de finances, une baisse de 65 millions d'euros. Cette baisse doit néanmoins être relativisée.
Notre action s'appuie sur un constat désespérant : l'enseignement supérieur, loin d'atténuer les inégalités sociales, les accentue, et ce d'autant plus fortement que les jeunes avancent dans les études. Nous avons donc fait de la lutte contre cette aggravation insupportable des clivages sociaux notre priorité, tout en préservant les moyens dévolus à la recherche.
Alors que 23 % de la population active sont considérés comme modestes, les étudiants issus de cette catégorie sont représentés à 12 % en première année, 9 % en master et 5 % en doctorat. Nous ne parvenons pas à diversifier socialement l'accès aux études supérieures. C'est la raison pour laquelle l'augmentation de 658 millions d'euros des crédits depuis 2012 a prioritairement été consacrée aux aides sur critères sociaux – 458 millions d'euros leur ont été dévolus. En concertation avec les étudiants, les critères ciblent les étudiants des classes moyennes modestes, les étudiants les plus précaires et les jeunes en rupture familiale. Parmi les 135 000 nouveaux boursiers en deux ans – 75 000 cette année, 55 000 l'an dernier –, les étudiants des classes moyennes bénéficient de 1 000 euros, les étudiants les plus précaires voient les bourses revalorisées de 28 % et les jeunes en situation d'autonomie avérée profitent de 2 000 bourses de 4 000 à 5 500 euros.
Avec 42 % aujourd'hui, nous sommes encore loin de l'objectif de 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence. Pour l'atteindre, nous devons nous adresser à l'ensemble des bacheliers : le nombre de bacheliers technologiques, qui représente 20 % des bacheliers, a tendance à diminuer, celui des bacheliers généraux est stable, à 49 %, mais celui des bacheliers professionnels, à 30 %, ne cesse d'augmenter. Or ils ne sont pas préparés à réussir à l'université. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons faciliter l'orientation prioritaire de ces bacheliers vers les STS, afin d'éviter que l'université soit un choix par défaut. Le nombre de bacheliers professionnels accueillis en STS a ainsi augmenté de 11 % en deux ans. Leur arrivée par défaut à l'université rend la tâche difficile aux enseignants et participe du massacre social en condamnant ces étudiants à l'échec, faute de préparation. Ces derniers, souvent issus de familles modestes, ont 60 % de chances de réussite en BTS contre 3,5 % de chances d'obtenir une licence en trois ans. Il faut donc à la fois les accueillir dans de meilleures conditions à l'université – prévoir, par exemple, des licences en quatre ans – et continuer à augmenter leur nombre en STS. Les baccalauréats professionnels ont été mis en place à une période où les industries avaient besoin d'une main-d'oeuvre de niveau bac. Aujourd'hui, elles cherchent à recruter des jeunes plus qualifiés pour favoriser l'innovation et la compétitivité. Il faut s'adapter à cette évolution. Or un bachelier sur deux seulement poursuit des études après un bac professionnel.
L'innovation pédagogique passe par le numérique, mais le numérique n'est pas une fin en soi, c'est un accélérateur d'innovation. Les MOOCs sont les supports des classes inversées qui permettent, dans les premiers cycles, de remplacer les cours magistraux par un enseignement plus interactif et plus personnalisé à l'intention de petits groupes mieux préparés. Ces classes rencontrent un grand succès.
Nous souhaitons favoriser le rapprochement entre les entreprises et les universités, sans brutalité et sans que quiconque perde son âme. Seuls 12 % des cadres de la recherche en industrie détiennent un doctorat. Les entreprises préfèrent engager des étudiants issus des grandes écoles. Pourtant les innovations de rupture sont mises au point par les doctorants académiques, car ils sont au plus près de la recherche fondamentale.
Ce rapprochement est l'un des objectifs des regroupements universitaires et scientifiques. Sur les vingt-cinq ensembles constitués, vingt l'ont été sous forme de communauté d'université et d'établissements (COMUE) et cinq sous la forme d'association. Ces ensembles doivent définir sur le terrain une stratégie de développement à laquelle contribuent les organismes de recherche, les universités et les écoles, et être ouverts au dialogue avec le milieu socio-économique. Il ne s'agit pas d'une structure supplémentaire mais d'un organisme vivant qui offre une meilleure visibilité tout en conservant l'agilité des structures qui le composent.
Nous cherchons à valoriser l'esprit d'entrepreneuriat au sein des PEPITE, qui sont installées depuis deux ans au sein des universités. Sur les 30 % d'étudiants désireux de créer leur activité, seulement 3 % le font contre 25 % aux États-Unis. Pour quelle raison ? Parce que dans le système universitaire, la création d'entreprise n'est ni reconnue, ni encouragée, ni accompagnée. Le statut d'étudiant-entrepreneur est censé y remédier en prenant en compte l'effort d'entrepreneuriat dans le diplôme. En outre, l'étudiant bénéficie d'un double tutorat, celui de l'enseignant et des structures d'incubation ainsi que celui d'un cadre d'entreprise. Personne n'est obligé de monter son entreprise, contrairement à ce que j'ai pu lire, mais ceux qui souhaitent le faire y sont incités et sont accompagnés pendant encore un an après l'obtention de leur diplôme. Nous visons 20 000 reprises ou créations d'activité dans les quatre ans à venir : c'est tout à fait faisable, puisque nous en sommes déjà à 8 000.
Ces mesures font partie du grand plan FUN, qui regroupe aujourd'hui la plupart des universités. Dans ce même cadre, nous avons désormais cinquante-quatre MOOCs. 400 000 personnes – des étudiants, des personnes en formation continue, voire des gens de la société civile qui souhaitent simplement se cultiver – sont inscrites à ces cours. Nous entrons dans la société de la connaissance : cela ne veut pas dire une société avec les sachants et les autres, bien au contraire ; cela veut dire une société où l'on doit partager le savoir pour que chacun comprenne mieux les enjeux auxquels nous sommes confrontés.
Nos efforts d'ouverture vers l'extérieur et de démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur ne doivent pas se traduire par une baisse du niveau de l'enseignement et de la recherche. Au contraire, il est plus que jamais nécessaire de rechercher l'excellence : il faut tenir les deux bouts de la chaîne.
Nous avons beaucoup travaillé sur l'insertion professionnelle des docteurs. Aujourd'hui, la moitié des docteurs académiques travaillent dans la recherche publique ; or c'est le privé qui finance 62 % de l'ensemble des efforts de recherche, et il n'y a que 12 % de docteurs académiques parmi les cadres de recherche des entreprises. Ce hiatus ne s'explique que par la méconnaissance par l'entreprise de la nature d'un doctorat, ce que démontre le dispositif CIFRE (Conventions industrielles de formation par la recherche) qui rassemble 4 300 doctorants. Ceux-ci travaillent en quelque sorte en alternance, pour moitié dans les grands groupes et pour moitié dans des entreprises de plus petite taille. 75 % de ces docteurs sont ensuite embauchés dans les entreprises, ce qui montre bien que les docteurs académiques sont très appréciés dès lors qu'ils sont connus des entreprises. Il faut donc opérer un décloisonnement, chacun oubliant ses préjugés. Nous avons encore signé dernièrement un accord-cadre avec Schneider Electric, ainsi qu'avec certaines branches professionnelles, pour favoriser l'embauche en plus grand nombre de docteurs académiques. Comme l'a bien montré le rapport d'Emeric Bréhier, les docteurs ne peuvent avoir pour seul débouché la recherche publique.
L'attractivité de nos universités et de nos organismes de recherche n'a cessé d'augmenter, malgré les messages alarmistes que l'on peut lire dans la presse. Nous sommes le pays d'Europe où le nombre de jeunes diplômés qui partent à l'étranger est le plus faible ! À l'inverse, notre solde net de personnes qualifiées est le plus élevé d'Europe : il s'élève à 900 000 personnes. Nous sommes en effet, après l'abrogation de la circulaire Guéant, redevenus le troisième pays d'accueil d'étudiants étrangers ; 41 % de nos doctorants sont étrangers, comme 31 % des chercheurs au CNRS. C'est une excellente chose : la connaissance n'a pas de frontières, et la recherche est aujourd'hui entièrement mondialisée. Il faut nous réjouir que des jeunes démarrent leur parcours professionnel en partant à l'étranger, au moment où ils ont peu de contraintes familiales : ils reviennent – il faut, certes, leur permettre de le faire – riches de cette expérience.
La dernière médaille Fields est, je le rappelle, franco-brésilienne : Artur Avila, après sa thèse au Brésil, a choisi de venir faire de la recherche en France. N'ayons pas peur ! Notre enseignement supérieur, notre recherche rayonnent. Jamais nous n'avons eu autant de prix – prix Nobel, prix Lasker, médaille Fields… Le Gouvernement ne s'en prévaut pas, mais s'en réjouit néanmoins. Et la coopération internationale est fortement présente dans ces prix. Il n'y a donc aucune raison de désespérer, loin de là.
La bonne recherche aujourd'hui est décloisonnée ; la recherche fondamentale bénéficie à la recherche technologique, et inversement. Les dernières prouesses spatiales européennes l'ont encore montré, comme d'ailleurs les dernières récompenses dans le domaine de la santé : il n'y a pas de frontières.
Voilà le message positif que je veux vous adresser.
Le 07/12/2014 à 18:58, laïc a dit :
"Nous sommes en effet, après l'abrogation de la circulaire Guéant, redevenus le troisième pays d'accueil d'étudiants étrangers ; 41 % de nos doctorants sont étrangers, comme 31 % des chercheurs au CNRS."
A quoi bon se vanter d'accueillir des étudiants étrangers puisqu'ils sont désormais autorisés à faire leurs études en anglais chez nous ? C'est un pays qui les accueille ou un hôtel ?
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