Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 25 novembre 2014 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Assurance maladie

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

L’amendement proposé par le Gouvernement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 44, qui avait été adoptée par votre assemblée avant l’examen du texte par le Sénat. Ce dernier a adopté une rédaction prévoyant une expérimentation du dispositif proposé pendant deux ans. Je voudrais prendre quelques instants pour expliquer pourquoi la mesure proposée par le Gouvernement est nécessaire et pourquoi une expérimentation serait à la fois dénuée de sens et extrêmement difficile à mettre en place.

Le maintien de la rédaction actuelle, qui prévoit une expérimentation, aboutirait en réalité à vider de son contenu la disposition proposée par le Gouvernement. C’est bien ce qu’a fait le Sénat. Comme le rapporteur l’a dit à l’instant, l’objet de l’article 44 proposé par le Gouvernement n’est pas de sanctionner, de porter atteinte à la liberté de prescription des médecins, mais d’encourager de meilleures pratiques et donc de favoriser et soutenir les établissements qui s’engagent à développer des pratiques vertueuses.

Je sais très bien que des inquiétudes ont été exprimées par les fédérations d’établissements, notamment par les établissements dont les pratiques sont très particulières. Je pense aux centres de lutte contre le cancer, qui ont fréquemment recours à des produits figurant sur la liste en sus. Je veux le dire de la manière la plus claire et la plus ferme qui soit : il ne s’agit absolument pas d’entraver la liberté de prescription des médecins qui, face à certaines pathologies, peuvent avoir besoin de recourir à ces médicaments. Il s’agit simplement de réserver le recours à ces médicaments aux situations dans lesquelles cela est strictement nécessaire et d’orienter les comportements de façon à prescrire plus régulièrement d’autres médicaments.

Cette mesure doit permettre de réaliser une économie de l’ordre de 35 millions d’euros par an, qui ne provient pas des sanctions ou des désincitations proposées, mais de la réorientation des comportements. Les gains financiers résultent donc simplement du fait que des comportements vertueux seront progressivement adoptés.

J’entends bien les préoccupations de certains, qui proposent de commencer par une période d’expérimentation afin de voir comment les choses se passent et, le cas échéant, d’ajuster le dispositif. À première vue, cette démarche paraît attractive et de bon sens. Cependant, elle ne peut pas prospérer dans les délais annoncés.

Tout d’abord, une expérimentation met du temps à s’engager, parce qu’il faut en déterminer les terrains, les modalités, les mécanismes d’évaluation. On peut le regretter, mais décider d’une expérimentation annonce un travail de plusieurs mois – en général, autour de douze mois. Au final, en pratique, une expérimentation de deux ans ne sera effective qu’entre six et huit mois, ce qui rend difficile d’en tirer des leçons.

En outre, le travail serait compliqué car on ne sait pas très bien sur quelles bases seraient choisis les établissements qui réaliseraient l’expérimentation. Si l’on ne veut pas choisir et qu’on expérimente dans l’ensemble des établissements, alors autant généraliser tout de suite la mesure ! S’il devait y avoir des difficultés, nous en tirerions les leçons et reverrions le dispositif dans le cadre d’un prochain PLFSS. Mais si l’expérimentation doit être pratiquée par certains établissements de santé, alors comment les sélectionner ? Choisirait-on les établissements vertueux ? Dans ce cas, les résultats de l’expérimentation seraient biaisés. S’en remettrait-on au hasard ? Quels critères seraient pris en compte ? Choisirait-on certaines catégories d’établissements, par exemple les centres de lutte contre le cancer ? Mais pourquoi ceux-là plutôt que d’autres ? Aucun critère annonçant une expérimentation particulièrement efficace ne s’impose de façon spontanée ou évidente.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a déposé cet amendement visant à rétablir la rédaction initiale de l’article 44, telle qu’elle avait été adoptée par votre assemblée à l’issue de la première lecture.

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