Intervention de Denis Baupin

Réunion du 19 novembre 2014 à 17h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Dans votre présentation, vous avez évoqué systématiquement la libéralisation du marché, comme s'il s'agissait du but ultime de la politique européenne en matière énergétique. De mon point de vue, elle peut éventuellement être un moyen, mais pas un objectif ! D'autre part, nous considérons que les décisions prises au titre du paquet énergie-climat sont très largement insatisfaisantes en matière de développement des énergies renouvelables et de maîtrise de l'énergie. Seul fait exception l'objectif de réduire de 40 % au moins les émissions de gaz à effet de serre.

Les dysfonctionnements du marché de l'énergie tiennent, selon vous, au fait qu'il n'est pas complètement mis en place. En réalité, ce marché fonctionne très mal : les messages qu'il délivre ne concernent que le très court terme ; le prix de l'électricité s'adapte aux évolutions instantanées et n'incite nullement à la construction d'équipements nouveaux, notamment pas de ceux dont nous aurions besoin pour faire face aux fluctuations de l'offre ou de la demande. D'une manière générale, les énergéticiens indiquent qu'aucun investissement n'est actuellement rentable en matière de construction d'installations. D'où la question que posent de nombreux acteurs : comment faire évoluer le marché afin de prendre en compte les besoins d'investissement ? Je suis d'ailleurs surpris qu'elle ne figure pas au coeur des préoccupations de la Commission européenne. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce sujet ? Y a-t-il des réflexions en cours sur ce point ?

Le marché est également perturbé, selon vous, par le subventionnement de certaines énergies, notamment des énergies renouvelables. Prenons le cas d'une technologie que l'on nous présente depuis longtemps comme mature, mais dont plusieurs éléments sont largement financés ou pris en charge par les pouvoirs publics : non seulement la recherche, mais aussi le démantèlement – toutes les études montrant que les provisions faites en la matière sont très insuffisantes –, la gestion des déchets, qui risque de s'étendre sur plusieurs milliers d'années, les coûts de fonctionnement, largement sous-évalués, et l'assurance. Je suppose que l'auditoire a compris de quelle énergie je veux parler ! Estimez-vous que ce secteur entre dans le champ de la concurrence ? Ou bien existe-t-il en la matière une distorsion de concurrence résultant de subventions en quelque sorte masquées ? Je suis toujours surpris que l'on évoque les subventions pour certaines énergies et pas pour d'autres !

À cet égard, s'agissant des deux réacteurs nucléaires qui seront construits au Royaume-Uni, la Commission européenne a récemment considéré que l'achat de l'électricité à un tarif garanti pendant trente-cinq ans était conforme aux règles européennes en matière d'aides d'État. Cette décision a surpris de nombreux observateurs, y compris certains de ceux qui avaient déposé le dossier ! Nous nous attendions en effet à ce que le dispositif présenté sorte très largement du cadre européen. Jusqu'où ce cadre va-t-il donc ? Dans quel cas le dispositif n'aurait-il pas été considéré comme conforme ? Si l'on nous dit, d'un côté, qu'il faut éviter toute distorsion de concurrence afin que le marché fonctionne correctement, mais que, de l'autre, on autorise des subventions dérogatoires d'une telle ampleur, il y a là un décalage entre les principes et les actes qui rend la politique européenne bien peu lisible !

Il est, en revanche, une autre distorsion de concurrence que je souhaite voir mise en place : un marché du carbone qui fonctionne véritablement. Le président vous a d'ailleurs interrogée à ce sujet. La faiblesse du prix du carbone au niveau européen a constitué, nous le savons, une forte incitation à produire de l'électricité à partir du charbon. À votre avis, à quelle échéance peut-on espérer disposer d'un marché du carbone qui fonctionne et qui n'encourage plus à utiliser le charbon à l'intérieur de l'Union européenne ?

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