Poussons-nous mutuellement dans nos retranchements : que l'électricité soit ou non consommée, les coûts fixes du dispositif de production doivent de toute façon être pris en charge. Donc, si nos industries électro-intensives ferment progressivement ou se délocalisent, le fardeau des coûts fixes sera supporté par les clients qui restent. Il faut donc que nous nous disions la chose suivante : avant que les électro-intensifs s'en aillent, trouvons une solution pour que le fardeau des coûts fixes ne leur soit pas facturé. À défaut, la concurrence internationale à laquelle ils sont confrontés risque de les faire disparaître.
D'autre part, on ne réalise plus aujourd'hui certains investissements parce que l'on raisonne à court terme. Nous aurons peut-être des problèmes l'hiver prochain ou le suivant en France et, encore plus, en Belgique, parce que nous avons suspendu des investissements tels que des centrales thermiques au gaz, dans la mesure où ils ne trouvaient pas leur rentabilité. En ne faisant pas ces investissements de long terme qui renforceraient notre capacité de sécurisation du réseau, nous prenons un risque majeur. Qu'importe qu'ils soient rentables ou non certaines années : l'enjeu est de sauvegarder un système qui garantit une continuité de service et permet de maintenir des activités productives qui consomment l'énergie. Arrêtons de raisonner seulement au cas par cas et de nous lancer dans des investissements disparates ! Prenons en compte l'équilibre du réseau dans son ensemble !
Enfin, je ne nie pas que les interconnexions sont insuffisantes et qu'elles pourraient être mieux utilisées – vous avez raison sur ce point. Mais cette approche a ses limites : en raison de l'effet Joule, nous perdons une partie de l'électricité transportée sur longue distance. La production d'électricité doit donc être répartie dans l'espace.
Aujourd'hui, il en va de la survie d'une partie de notre industrie et, partant, de nos emplois, des sous-traitants et des PME qui travaillent pour ces grands groupes. Si les États membres ne sont pas capables d'affronter ensemble ce problème et de décider de ne facturer que le coût marginal à certaines entreprises compte tenu de la concurrence mondiale qu'elles subissent, nous ne parviendrons pas à les conserver. Car leurs concurrents n'ont, eux, pas de scrupules à venir leur tailler des croupières sur le marché européen ! Le problème se pose en ces termes. Bien sûr, dans ce cas, les coûts ne seront pas couverts intégralement, mais ils le seront encore moins une fois ces industries parties !
Certains se sont réjouis de la baisse de la consommation d'électricité. Or, en réalité, elle résulte du fait que de nombreuses usines se sont débranchées ! Peut-on vraiment s'en réjouir, sur un continent où l'on cherche la croissance avec les dents ? La question de l'énergie est vitale pour la croissance. De ce point de vue, nous donnons-nous vraiment les moyens de maintenir et de développer notre industrie ? J'en parle avec un peu de véhémence, car j'ai entendu mes collègues présidents des commissions des affaires économiques des autres parlements nationaux partager ces vives inquiétudes. Il est indispensable que ces sujets remontent à la Commission.