Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 29 octobre 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Kareen Rispal, directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères.

Je vous remercie, madame la directrice, d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de notre commission pour évoquer, au lendemain de l'élection présidentielle, la situation du Brésil.

La présidente Dilma Rousseff, du parti des Travailleurs (PT), a été réélue dimanche 26 octobre avec un score beaucoup plus faible qu'en 2010 : 51,64 % des voix contre 48,36 % pour son adversaire de centre-droit Aécio Neves, du Parti social-démocrate brésilien (PSDB). Ce second mandat s'annonce difficile pour elle, car elle devra compter avec un Congrès fragmenté et plus conservateur, mais aussi avec une opposition dont le succès inattendu d'Aécio Neves et la popularité de Marina Silva démontrent la montée en force. Beaucoup d'observateurs estiment qu'elle sort affaiblie d'une campagne émaillée d'attaques personnelles, marquée par le scandale de corruption impliquant la compagnie pétrolière d'État Petrobras, qui concerne des personnalités proches du pouvoir. Vous nous direz si vous partagez cette analyse.

Les défis sont de taille : l'économie brésilienne, qui s'appuie sur d'immenses ressources naturelles et a globalement bien résisté à la crise, n'en montre pas moins des signes de faiblesse inquiétants avec une récession technique en 2014 et une inflation proche de 6,75 %. La spécialisation dans l'agro-négoce, qui a fait son succès, atteint ses limites et fait peser un risque de désindustrialisation sur le pays. On se souvient aussi des mouvements sociaux de 2013, portés par une forte demande de justice sociale mais aussi d'investissements et de services publics. Quel est le bilan du « Programme d'accélération de la croissance » lancé en 2011 pour remédier à ces faiblesses structurelles en matière de logements, d'infrastructures énergétiques et de transport, de formation, domaines où la France a une expertise à faire valoir ?

Au plan international, notamment grâce au volontarisme diplomatique de Lula, le Brésil s'est posé en héraut du multilatéralisme, en « gagnant » de la mondialisation, médiateur entre Nord et Sud, et brigue un siège de membre permanent au Conseil de sécurité. Le pays s'affirme sans pour autant rechercher un leadership, que ni la Chine ni les États-Unis ne sont prêts à lui accorder. Or, quand Dilma Rousseff était venue à Paris à l'occasion d'une visite officielle, j'avais eu l'impression que le Brésil avait une véritable stratégie internationale d'affirmation de sa puissance. Qu'en est-il exactement ?

Vous nous parlerez certainement des assises régionales du Brésil, qui s'appuient principalement sur le Mercosur : dans quelle mesure sont-elles solides ?

Nous serons également attentifs à ce que vous pourrez nous dire des stratégies d'alliance développées par le pays : il y a l'alliance ISBA lancée en 2003 par Lula, le premier ministre indien Manmohan Singh et le président sud-africain Thabo Mbeki, et leur fronde organisée la même année à Cancun. Il y a aussi les BRICS, que les ambitions rapprochent mais que les intérêts séparent. Comment analysez-vous leur proposition de réforme de la gouvernance financière internationale lors du sommet de Fortaleza, en juillet, et l'accélération du rapprochement brésilien avec la Russie et la Chine ? Il y a enfin le partenariat avec l'Union européenne, qui dispute à la Chine le rang de premier partenaire commercial du Brésil. Peut-être pourriez-vous nous dire un mot de l'avancement des négociations de l'accord d'association Union européenne-Mercosur.

Enfin, comment ce nouveau mandat peut-il nous fournir l'occasion de réveiller un partenariat franco-brésilien à certains égards en sommeil ? Où en est la mise en oeuvre du partenariat stratégique signé en 2006 ? L'objectif d'un doublement de nos échanges commerciaux d'ici 2020 et des investissements croisés vous semble-t-il atteignable ? Pourriez-vous nous faire un point sur notre coopération militaire et technologique, par certains aspects décevante, puisque le contrat des avions de chasse a été remporté par Saab ? Où en est enfin notre coopération culturelle, universitaire et de recherche : il y a là des liens forts et historiques avec le Brésil – on pense à Claude Lévi-Strauss, Jean-Pierre Vernant ou Fernand Braudel qui y ont enseigné –, sur lesquels nous devons nous appuyer pour conforter une place certes privilégiée, mais concurrencée.

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