Intervention de Kareen Rispal

Réunion du 29 octobre 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Kareen Rispal, directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Les manifestations de juin 2013 sont nées du fait que le prix du ticket de bus avait augmenté. En effet, dans le processus de croissance du Brésil, 30 à 40 millions de personnes sont sorties de la pauvreté : elles font partie de la classe moyenne et prennent les transports publics. Les étudiants ont d'abord manifesté, puis les syndicats et beaucoup d'autres personnes, notamment grâce aux réseaux sociaux. La contestation reposait au fond sur une mauvaise répartition du bénéfice de la croissance et une indignation devant les milliards d'euros consacrés à rénover les infrastructures pour la Coupe du monde de football, considérées comme moins utiles que les infrastructures de base. Si elle ne s'est pas manifestée à nouveau au moment de la campagne, elle peut resurgir à tout moment.

S'agissant des relations avec les États-Unis, Mme Rousseff a déclaré qu'elle se rendrait dans ce pays au lendemain de son élection. Reste qu'elles restent assez fraîches et qu'elles ont conduit à l'annulation de la visite d'État à l'automne 2013 entre les deux pays et à un gel partiel des échanges. Je ne suis pas persuadée qu'elles vont se développer.

Quant aux relations de l'Union européenne avec le Mercosur, elles sont assez bloquées. On nous dit que c'est parce que l'Argentine n'a pas finalisé son offre : c'est sans doute plus compliqué. Nos partenaires d'Amérique latine nous font part de leur volonté de les poursuivre mais l'Union européenne indique qu'il n'y a pas vraiment d'offre sur la table. Le Mercosur est pour le Brésil un modèle de marché attractif, comme celui de l'Union européenne, mais en pratique les échanges entre pays sont freinés par des barrières commerciales et la mise en place de ce marché ne va pas de soi.

Sur le partenariat stratégique, on attend la troisième édition du forum franco-brésilien. Le processus se déroule en général en trois temps : une séquence avec les entreprises, organisée par le MEDEF ; une séquence plus administrative avec Bercy, où on essaye de s'attaquer aux aspects fiscaux, qui sont souvent des freins à l'approfondissement des relations économiques ; et une séquence animée par M. Naouri, caractérisée par des rencontres d'entreprises dans un certain nombre de secteurs. M. Naouri est chargé d'identifier des secteurs porteurs et de créer des groupes de coopération entre les entreprises brésiliennes et françaises. Ces secteurs sont par exemple le tourisme, la chimie du végétal, la santé, les équipements et les procédés agro-alimentaires. Le ministre des affaires étrangères est très désireux d'avoir des résultats et chaque visite fait l'objet de la part des directions d'un tableau de suivi de bord remis à jour quotidiennement.

Nous avons plusieurs projets commerciaux importants. Nous travaillons ainsi à la construction d'une usine de cellules photovoltaïques, de même qu'à un projet de câble sous-marin entre le Brésil et l'Europe, pour lequel Alcatel est bien positionné. En matière de défense, nous travaillons sur le contrat stratégique de production de 50 hélicoptères militaires EC725 par Airbus Helicopters et sa filiale locale Hélibras, même s'il y a des retards de livraison dus à des impayés de la part du Brésil, que nous espérons résoudre. Nous nous attelons également à la construction d'un centre d'affaires international à Roissy et Total a de nombreux projets, notamment pour développer le gisement de Libra, près de Rio.

En outre, nous avons un dialogue stratégique en format 2+2 – ministres de la défense et des affaires étrangères des deux côtés – dont une nouvelle édition est prévue prochainement.

Nous avons également un projet de livraison de 4 sous-marins conventionnels et des prospects dans le domaine prometteur des satellites de télécommunications.

S'agissant de la recherche et des échanges universitaires, au-delà du programme brésilien « Science sans frontières », nous allons essayer de développer le nombre de stagiaires brésiliens en France et français au Brésil dans les entreprises pour favoriser les relations entre nos jeunes.

Quant à la banque commerciale annoncée l'été dernier, je ne suis pas sûre qu'elle tende à se soustraire au dollar : elle fait partie de la stratégie de coopération régionale d'affirmation sur la scène internationale ; ce fonds servira à appuyer les projets d'infrastructures, dont le pays a un besoin crucial et pour lesquelles nous avons beaucoup de choses à apporter.

La société duale constitue de fait une problématique commune à tous les pays connaissant une forte croissance démographique et où une partie de plus en plus importante de la population accède au statut de classe moyenne. Cette classe est appelée au Brésil la classe C : son revenu est de deux à cinq fois le salaire minimum, elle a accès au crédit et souhaite avoir des standards de consommation et de vie se rapprochant des standards américains ou européens. Nous devons en tenir compte.

Concernant la COP21, il s'agit de l'échéance diplomatique majeure que la France s'est fixé. Elle est précédée de la COP20, qui aura lieu à Lima en décembre, où notre ministre se rendra. Il faudra persuader les pays les plus récalcitrants de s'engager sur un accord que nous souhaitons contraignant et applicable à tous. Nous avons un agenda positif, qui recouvre l'association de tous ceux qui seront chargés de mettre en oeuvre les accords, c'est-à-dire la société civile, les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens. Le Brésil est loin de nos positions et il s'arc-boute sur la rhétorique consistant à dire que la responsabilité des émissions de CO2 incombe pour une très grande partie aux pays développés et qu'il ne pourrait s'associer à un accord que si on tenait compte de cette différence de responsabilité. Mais, derrière, il y a une négociation financière sur la constitution d'un fonds vert et les acteurs qui financeront la transition énergétique. Ce débat sera très difficile et il nous faudra trouver des alliés : nous en avons en Amérique latine et le Président de la République devrait aborder cette question avec le Canada, où il se rendra la semaine prochaine. Cela dit, l'Europe a donné un bon signe avant-hier en retenant des objectifs ambitieux.

Monsieur Lellouche, le pont sur l'Oyapock est en état de fonctionner, même s'il faut terminer un bout de route de 150 kilomètres. Les six accords prévus lors de sa construction ont été signés, concernant respectivement la coopération policière, l'assistance mutuelle, l'exploitation aurifère illégale – ou orpaillage –, le statut de frontalier, les transports et les biens de subsistance. Certains sont en train d'être ratifiés, le statut de frontalier est instauré et les premières cartes de transfrontalier pourront être délivrées le 1er janvier 2015.

L'ouverture se fera par étapes. Il faut s'assurer que les conditions soient optimales. Nous avons notamment un problème d'assurance des véhicules qui vont effectuer le transport commercial et de personnes, les normes européennes étant plus exigeantes que les normes brésiliennes en la matière.

Certes, la situation est compliquée, mais une réponse strictement sécuritaire serait vouée à l'échec compte tenu du cadre naturel environnant. Nous faisons de notre mieux et il y a eu hier encore une opération de police permettant de prendre sur le fait une bande organisée. Par ailleurs, un accord sur la pêche illégale a été signé. Un travail important est fourni des deux côtés pour que cela marche.

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