Monsieur le Médiateur, par le passé, nous avons essayé de faire preuve de créativité sur le sujet. Je nous invite à continuer. Peut-on envisager de casser le modèle tarifaire existant pour éviter d'aller dans le mur ?
Dans chaque composante du coût de l'électricité – production, transport, distribution – il faut faire la part entre les investissements et l'exploitation. D'une part, quel que soit son niveau de consommation, chacun doit prendre sa part du fardeau de la charge fixe car il faudrait continuer à payer l'investissement de base même si tout le monde éteignait la lumière. Même l'adepte de l'autoproduction a besoin d'être raccordé au réseau, le spécialiste des pompes à chaleur que vous êtes ne l'ignore pas. Le propriétaire d'une résidence secondaire, qui exige d'avoir de la lumière au moment où il le souhaite, doit en assumer les conséquences sous forme de contribution à la charge fixe que cela représente. D'autre part, l'accroissement des besoins de consommation, quand la famille s'agrandit ou que l'entreprise se développe, peut engendrer des besoins accrus d'investissements de production.
Le modèle tarifaire doit aussi tenir compte du mode consommation : le consommateur devrait payer en fonction de son comportement plus ou moins vertueux, plus ou moins responsable de débordements dans la gestion du réseau, mais ce n'est pas encore le cas. Sa facture évolue en fonction de la puissance et du volume d'énergie demandés. Comment peut-on l'inciter à faire un meilleur usage du réseau pour que le système soit moins sous tension ? C'est la tension du système qui engendre la spéculation, les surcoûts et des tarifs qui deviennent prohibitifs, de la même façon que l'intermittence des énergies renouvelables génère des surcoûts. Un mode de consommation plus serein permettrait de peser sur les coûts.
Il est nécessaire d'avoir une autre approche tarifaire si l'on veut intégrer les facteurs que je viens d'évoquer, sachant que la liste n'est pas close. Pour conclure, je ferai un parallèle avec la situation du marché des télécommunications où le temps de la consommation à l'unité est bel et bien fini. Ce secteur fonctionne aussi avec un réseau, des volumes et des débits que l'on pourrait comparer à la puissance. Pourtant, les consommateurs ne paient plus à la communication comme ils paient au kilowattheure. Étant un peu à l'origine de la création de cette commission, je nous invite à réfléchir autrement sur les tarifs de l'énergie.