Les, agressions sexuelles sont des infractions particulièrement douloureuses, difficiles à dénoncer et à l’origine de traumatismes psychologiques extrêmement lourds. Le législateur doit savoir tenir compte de ces particularités pour adapter le régime de la répression de ces infractions et faciliter l’action en justice des victimes.
Je rappellerai en préambule quelques chiffres. Selon la dernière enquête de victimation de l’Institut national de la statistique et des études économiques et de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, réalisée en 2012, 383 000 personnes majeures, âgées de 18 à 75 ans, ont déclaré avoir été victimes d’une ou plusieurs agressions sexuelles en 2010 ou 2011 – soit en moyenne 191 500 personnes sur une année. Mais en 2011, seulement 23 000 plaintes ont été déposées auprès des services de police ou de gendarmerie. Quant au nombre de condamnations, il est encore plus faible : 9 950, réparties en 1 250 condamnations pour viol et 8 700 pour agression sexuelle de nature correctionnelle.
Cet écart entre le nombre de faits déclarés dans le cadre des enquêtes de victimation et le nombre de faits dénoncés et condamnés peut s’expliquer par deux facteurs.
Premièrement, près de la moitié des faits sont commis dans le cadre familial, soit par un conjoint ou ex-conjoint, soit par un membre de la famille, ce qui explique que les victimes hésitent souvent à porter plainte, par crainte de ne pas être crues mais aussi de bouleverser la cellule familiale.
Deuxièmement, nombre de victimes, en particulier lorsqu’elles sont mineures, mais pas seulement, sont atteintes par un phénomène d’amnésie traumatique : pour surmonter le choc et la violence de l’agression subie, les victimes enfouissent les faits dans leur inconscient, jusqu’au jour où ces faits refont surface, à l’occasion par exemple d’une psychothérapie ou d’un événement tel qu’un décès, une naissance – ou encore une autre agression. L’amnésie peut aussi avoir été causée par l’utilisation par le violeur de drogues qui font perdre à la victime la conscience de ce qui lui est infligé.
Dans une certaine mesure, la loi tient déjà compte de la situation particulière dans laquelle se trouvent les victimes d’agressions sexuelles puisqu’elle prévoit, au bénéfice des victimes mineures au moment des faits, des règles dérogatoires en matière de prescription de l’action publique.