Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h15
Commission des affaires économiques

Jean-Bernard Lévy :

C'est un candidat qui n'est pas encore réellement à la tête d'EDF qui vous parle et vous me pardonnerez donc par avance si je ne réponds pas de façon exhaustive à l'ensemble des questions qui m'ont été posées, notamment celles qui portent sur des sujets locaux.

Je commencerai par vous apporter quelques précisions sur les rééquilibrages tarifaires que j'ai évoqués, ce qui sera l'occasion de dire un mot de la CSPE, qui participe de la même problématique.

Dans un contexte très tendu, marqué pour EDF par une augmentation annuelle de sa dette nette, l'entreprise néanmoins assurer la modernisation des réseaux gérés par ERDF et la qualité du service. Cela implique une augmentation très sensible des investissements, qui ne peuvent qu'aggraver le poids de la dette. Dans ces conditions, j'ai moins l'intention de dresser un état des lieux ou de procéder à un audit que d'englober dans le projet d'entreprise ambitieux dont je suis porteur pour EDF l'ensemble des éléments qui contribuent à la situation actuelle, en gardant à l'esprit les objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique, à savoir le passage de 75 à 50 % d'énergie nucléaire dans le mix énergétique français.

Il faut, dans un premier temps s'interroger sur les coûts de base et les économies possibles. Des efforts ont déjà été faits pour diminuer notamment les coûts de maintenance, mais sans doute des progrès sont-ils encore possibles pour optimiser la puissance effectivement disponible de nos réacteurs, abstraction faite de leur capacité de production théorique.

Il faut ensuite examiner les recettes. Ne nous voilons pas la face : la pression tarifaire qui pèse sur l'électricité est liée pour l'essentiel à une augmentation régulière – à deux chiffres – de la CSPE. Et, lorsque j'évoque une « mise sous contrôle » de la CSPE, je ne vise pas d'autre poste que celui lié aux obligations d'achat d'énergies renouvelables, dont les volumes ont fortement augmenté ces dernières années, créant selon moi des effets d'aubaine peut-être provisoires mais très alléchants pour les investisseurs dans ce domaine. Il importe d'avoir de cette contribution une approche globale, qui prenne en compte, au-delà des gains envisageables sur tel ou tel type de projet énergétique, les bénéfices que peut en attendre la collectivité tout entière. Partant, sans remettre en cause, la part de la CSPE affectée au financement de la précarité ou à la péréquation en faveur de l'insularité, il me semble que nous devons réfléchir au déséquilibre que constituent les conditions faites à certains investisseurs énergéticiens et aux conséquences qu'elles emportent sur les investissements portés par EDF.

Or je rappelle que ces investissements concernent non seulement notre parc nucléaire et notre parc hydraulique mais également le développement des énergies nouvelles, dans lequel EDF entend jouer un rôle majeur. J'indique à M. Baupin que, si j'ai parlé d'aval à propos des énergies renouvelables, c'est que, pour ce qui concerne les énergies produites localement à partir de la biomasse ou de la géothermie, elles s'apparentent davantage selon moi à des procédés de raccourcissement de la chaîne de production entre l'amont et l'aval qu'à la production centralisée, reliée au réseau à très haute tension, des grands parcs d'éoliennes ou d'hydroliennes et des grandes fermes solaires. J'ajoute en incidence, à l'intention d'Hervé Pellois, que, dès lors que je serai nommé à la présidence d'EDF, je démissionnerai évidemment de mes fonctions de P-DG et d'administrateur de Thalès et renoncerai donc à mon rôle d'administrateur de DCNS, ces dernières fonctions étant clairement liées à la participation que Thalès détient au sein de DCNS.

Pour en revenir au rééquilibrage tarifaire, qui doit concerner aussi bien le tarif de l'ARENH que le tarif final et la partie en croissance de la CSPE, il est donc nécessaire mais c'est au Gouvernement et non à EDF d'en décider.

Je n'éluderai pas la question de Fessenheim. La loi sur la transition énergétique prévoit de plafonner à 63 gigawatts la production nucléaire française. Cela signifie que la mise en service de l'EPR de Flamanville et son raccordement au réseau devront s'accompagner d'une réduction équivalente des autres capacités disponibles. Cela correspond approximativement à 1 600 mégawatts, soit près de deux tranches à 900 mégawatts. La première solution consistera donc à fermer la centrale de Fessenheim, à charge pour EDF d'étudier différents scénarios alternatifs, le choix final revenant au conseil d'administration et à l'État, actionnaire à 85 %.

En ce qui concerne AREVA, tout contrat signé sera respecté par EDF. Plus généralement, les relations entre les deux entités doivent à l'avenir se déployer, de part et d'autre, en toute sincérité, en toute loyauté et en toute transparence. La France n'a pas tant d'atouts qu'elle puisse se déchirer dans des querelles ridicules et incompréhensibles vues de l'étranger, qui plus est lorsqu'elles impliquent deux sociétés nationales contrôlées par l'État. Je connais Philippe Varin depuis fort longtemps, et nous aurons à coeur tous les deux de faire souffler un esprit nouveau sur les relations entre EDF et AREVA.

Débutant dans mes fonctions à titre intérimaire, je ne suis pas en mesure de répondre avec précision à la question de François Pupponi sur la centrale au fioul d'Ajaccio, pas plus qu'à celle concernant la qualité des réseaux dans le sud et le sud-ouest.

L'évolution du parc exige de prendre en compte le phénomène d'intermittence lié aux énergies renouvelables. À la différence de l'énergie hydraulique qui peut être utilisée à la demande, notamment grâce au pompage, les énergies renouvelables sont tributaires du vent ou du soleil. Nous devons donc réfléchir aux moyens de pallier ces intermittences de puissance sur le réseau, notamment dans les périodes de super-pointe. Cela implique d'étudier le sort qui doit être réservé au parc de centrales au fioul, dont certaines ne sont plus, ou ne seront prochainement plus, aux normes. S'il s'avérait malheureusement que certaines doivent être fermées, je ferais en sorte que cela se fasse dans le respect du patrimoine humain qu'elles représentent, en tâchant d'anticiper chaque situation individuelle.

En ce qui concerne la présence de Philippe Varin au conseil d'administration d'EDF, ce n'est pas la première fois qu'AREVA et EDF partageront des administrateurs ; cela a par ailleurs été le cas entre AREVA et un autre grand énergéticien français sans que cela pose de problème particulier. Le comité d'éthique du conseil d'administration d'EDF s'est néanmoins saisi du sujet et, à ma connaissance, a d'ores et déjà fait savoir que lorsque M. Varin sera appelé aux fonctions qui seront les siennes chez AREVA, il ne sera plus considéré comme un administrateur indépendant. Des mécanismes seront mis en place de façon à éviter les conflits d'intérêts et la possibilité qu'il ait accès à des informations incompatibles avec ses autres responsabilités.

Daniel Fasquelle m'a interrogé sur le développement international d'EDF. À une période d'expansion tous azimuts sur tous les continents, dans tous les types d'énergie, aussi bien dans le domaine de la production et de la distribution, a succédé une période de repli : EDF s'est retiré du Brésil, de l'Argentine ou de l'Allemagne. J'entends pour ma part, plutôt que d'opter pour une politique d'investissements opportunistes, axer le développement international de l'entreprise autour de projets cohérents et pensés. J'entends procéder à une rationalisation du parc d'actifs dont EDF dispose à l'étranger dans le but de servir une stratégie globale.

J'aurais du mal à répondre avec précision à Éricka Bareigts sur les DOM. Sachez simplement qu'en matière de concurrence, comme dans les autres domaines, EDF applique la loi. Je sais la sévérité dont peut faire preuve l'Autorité de la concurrence, et je veillerai à ce qu'EDF garantisse l'accès équitable aux réseaux concurrents.

Jean-Pierre Le Roch m'a interrogé sur la diversification des modes de financement et le partenariat entre EDF et Amundi sur les énergies renouvelables. L'objectif est double : il s'agit, d'une part, d'utiliser l'expertise d'Amundi, sans doute le plus grand gestionnaire d'actifs installé à Paris, et, d'autre part, d'alléger le bilan d'EDF pour lui permettre de faire face à ses besoins d'investissement.

C'est enfin à l'État, actionnaire majoritaire, de décider de la politique de dividendes de l'entreprise, tout comme il lui revient de décider de la part qu'il souhaite détenir au capital. Quant à la rémunération du P-DG d'EDF, elle est également du ressort de l'État, qui l'a plafonnée, comme pour tous les dirigeants d'entreprise publique à 450 000 euros.

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