Intervention de Denis Baupin

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Personne n'est dupe de l'offensive dont est l'objet le principe de précaution depuis de nombreux mois, voire de nombreuses années. Ceux qui la mènent, animés par une vision mercantile du progrès, sont ceux-là même qui pourraient revendiquer cette grande avancée de notre droit, voulue par un président de droite.

Il serait particulièrement stupide de supprimer de notre Constitution les termes mêmes de « principe de précaution » alors qu'ils sont consacrés par le droit européen et le droit international. Imaginons la complexité juridique que cela occasionnerait.

Le principe de précaution ne vient pas faire obstacle au progrès ; au contraire, il incite à développer les recherches scientifiques. Il est important de citer dans son entier l'article 5 de la Charte de l'environnement que ce texte entend modifier : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il s'agit bien d'un principe de responsabilisation qui conduit à améliorer les connaissances, et non pas d'un principe d'inaction.

Je vous renvoie aux propos du président de l'OPECST, Jean-Yves Le Déaut, au sujet des conclusions de l'audition publique du 5 juin 2014 consacrée au principe d'innovation : « Les constitutionnalistes présents ont toutefois fait remarquer que ce principe de précaution n'avait conduit ni le Conseil constitutionnel, ni le Conseil d'État, ni la Cour de cassation à prendre des dispositions conduisant à l'inaction. Cette remarque conforte la conviction des promoteurs de l'innovation qui estiment que le principe de précaution est d'abord un principe d'action. »

À cet égard, il n'y a pas de rééquilibrage à opérer : le principe d'innovation est déjà contenu dans la Charte de l'environnement.

Enfin, inscrire dans la Constitution un principe d'innovation responsable reviendrait à instaurer un droit constitutionnel à contraindre l'innovation. De fait, l'innovation ne serait plus libre dans notre pays : les innovations devraient être encadrées, en fonction d'un critère de responsabilité qui donnerait lieu à toutes sortes de jurisprudences. Autrement dit, ce principe serait un frein à l'innovation. Je ne crois pas que ce soit exactement ce que souhaitent les auteurs, mais ce serait pourtant bien la conséquence de la substitution qu'ils veulent opérer.

Tous ces arguments plaident en faveur de l'adoption de mon amendement de suppression de l'article unique, sinon au retrait de la proposition de loi.

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