La BPI sera la banque des PME et des ETI, et elle sera également la banque de la reconquête industrielle.
Les difficultés de financement auxquelles les entreprises doivent faire face sont des facteurs aggravants de la désindustrialisation – je rappelle que nous avons perdu 700 000 emplois industriels et 1 000 usines au cours de ces dernières années. Les flux de crédits aux PME sont passés de près de 30 milliards d'euros avant la crise de 2008 à moins de 24 milliards en 2011 ; quant aux encours de crédits à l'industrie manufacturière, ils ont baissé de plus de 10 % en quatre ans. Cette carence de financement des PME suffit à elle seule à justifier la création de la BPI, et ce d'autant plus que le resserrement des contraintes prudentielles et assurantielles – avec Bâle III et Solvabilité II – conduit à un assèchement du crédit et à un renchérissement de son coût pour les entreprises. Les auditions que nous avons conduites montrent que les entreprises ressentent déjà les effets de l'anticipation de ces évolutions. Le rôle de la BPI sera donc d'éviter la pénurie de crédit et de financer l'économie réelle, non en se substituant aux banques privées, mais en intervenant là où celles-ci ne le font pas, ou pas suffisamment, ou pas durablement.
La BPI disposera d'une « force de frappe » financière qui en fera le bras armé de la stratégie nationale pour la croissance durable, l'emploi, la compétitivité et l'innovation. Avec 50 milliards d'euros d'actifs, auxquels s'ajouteront 10 milliards de prêts sur fonds d'épargne, 2 milliards de redéploiement des crédits d'investissement d'avenir, la BPI disposera de plus de 60 milliards d'euros de ressources, soit un montant comparable à celui des placements financiers réalisés par la section générale de la CDC. La puissance de feu sera en outre renforcée par un effet de levier ; au total, les entreprises pourront ainsi disposer de plus de 70 milliards d'euros de financements complémentaires.
Il reste qu'autant que de financements, les entreprises manquent de temps, de visibilité et d'accompagnement. C'est pourquoi la BPI leur offrira un bouquet de services, de manière à accompagner leur développement depuis l'amorçage jusqu'à la reprise et à la transmission, en passant par la conquête de marchés à l'export et par la structuration de filières – en particulier de celles qui ont été retenues dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.
Elle devra également maintenir la plus grande proximité possible avec le tissu économique. De ce fait, son organisation sur une base régionale est indispensable ; elle constitue d'ailleurs l'apport majeur du nouveau dispositif, avec la taille critique financière. Concrètement, des plateformes d'accueil communes seront créées dans les régions ; autant physiques que juridiques, elles permettront aux chefs d'entreprise d'éviter les « parcours du combattant ».
Enfin, le principal actif de la BPI sera sa réputation – ce qui requiert une bonne gestion. Les trois entités constitutives sont d'excellente qualité, et le nouvel ensemble sera soumis à des règles prudentielles incontestables, adaptées à chacun des types d'activité, et relevant soit de Bâle III, soit d'un système inspiré de celui de la Caisse des dépôts ; de ce point de vue, l'architecture générale prévue par le projet de loi est une garantie de bon fonctionnement. Pour que sa pérennité soit assurée, la BPI ne devra jamais oublier d'être d'abord un investisseur avisé.
Au final, la BPI sera plus qu'une banque : elle sera l'acteur financier capable d'entraîner les autres pour financer les PME, les ETI et l'industrie, celui qui prendra les risques si le marché est défaillant, celui qui favorisera l'émergence de filières d'avenir.
Le présent projet de loi est l'acte fondateur de la BPI, dont il définit les missions et la gouvernance. Plusieurs pistes d'évolution devront cependant être explorées.
Concernant les missions prévues à l'article 1er, il sera sans doute nécessaire de les préciser et de les compléter, en évoquant notamment le soutien à la transition écologique, à l'économie sociale et solidaire, aux TPE et au développement des entreprises dans les quartiers relevant de la politique de la ville.
S'agissant de la composition du conseil d'administration, il serait souhaitable de mettre en oeuvre le principe de parité.
Enfin, il faudra prévoir un mécanisme d'évaluation et de contrôle de la BPI par le Parlement.
En outre, j'attire votre attention sur le fait que, sur plusieurs points ne relevant pas du domaine de la loi – définition de la doctrine d'investissement, déclinaison opérationnelle du dispositif dans les régions via les plateformes territoriales, relations avec la Banque centrale européenne et avec la Banque européenne d'investissement, statut des personnels –, nos débats seront utiles pour fixer la stratégie et les orientations.
À ce propos, pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser ce que l'État, en tant qu'actionnaire, attend de la doctrine d'investissement de la BPI ?
Par ailleurs, si la BPI est la banque des PME et des ETI, nous sommes nombreux à souhaiter qu'elle puisse prendre des participations dans de grandes entreprises stratégiques qui se trouveraient menacées. Quelle est votre position sur ce point ?