Intervention de Jean-Paul Doron

Réunion du 25 novembre 2014 à 16h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Paul Doron, vice-président de la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection du milieu aquatique :

Je vous prie d'excuser l'absence du président de la Fédération nationale, retenu au Conseil économique, social et environnemental (CESE). J'ai la chance, pour ce qui me concerne, d'animer la commission Eau Protection des Milieux Aquatiques Biodiversité au sein de cette fédération. C'est à ce titre que je le représente.

Le sujet qui nous occupe peut sembler anodin, mais il est à la croisée de nombre de questionnements, notamment en matière de questions environnementales. Les migrateurs ont la chance, ou plutôt la malchance d'être le réceptacle de différentes problématiques auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés.

Notre fédération nationale est une jeune fédération, créée en 2006, à l'issue du vote de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, qui nourrissait une ambition forte, notamment, sur l'organisation de la pêche associative en France. Cette fédération regroupe d'une façon pyramidale, du plan local au plan national, 1 400 000 pêcheurs, fédérés autour de 3 900 associations et regroupés au sein de 93 fédérations départementales.

Aujourd'hui, la Fédération nationale est particulièrement impliquée dans deux volets de sa mission, qui portent sur la pêche de loisir, son développement, sa promotion, mais aussi sur tout ce qui est lié aux politiques d'éducation et de sensibilisation à l'environnement. Nombre de structures appartiennent en effet à des centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE) et portent même des CPIE, ce qui est le cas dans mon département.

Le deuxième volet porte sur la protection des milieux aquatiques, la restauration des zones humides, l'eau et la biodiversité. La Fédération y est également particulièrement impliquée au niveau local, en passant par les commissions locales de l'eau et du SAGE, ainsi que par les instances de bassin puisque nous sommes particulièrement présents, autour d'autres usagers, au sein des comités de bassin. Et c'est tout naturellement que nos missions s'expriment sur les aspects locaux, économiques et environnementaux. Je profite du fait que nous sommes devant votre commission du développement durable pour insister sur ces aspects, car la pêche de loisir, aussi anodine qu'elle paraisse, est véritablement impliquée au quotidien, qu'il s'agisse de ses élus ou de son réseau.

L'implication de la FNPF ne se résumant pas aux seules questions techniques, j'en viens à son engagement politique. Aujourd'hui, les migrateurs concentrent un certain nombre de stratégies nationales et de plans nationaux, comme le plan de gestion de l'anguille, le plan national saumon ou le plan national de restauration de la continuité écologique. Tout cela s'inscrit pleinement dans les préoccupations exprimées par M. Jean-Pierre Vigier, à savoir les poissons migrateurs, la continuité écologique et la biodiversité dans les bassins.

La Fédération nationale partage ces préoccupations, avec une implication financière puisque la Fédération nationale, aujourd'hui, consacre plus de 5 % de son budget, soit 1,4 million d'euros par an, aux actions en faveur des seuls migrateurs. La Fédération porte l'action des associations sur les territoires et participe, en matière d'investissements, à la restauration de la continuité écologique.

C'est dire à quel point la pêche de loisir est particulièrement sensible à tout ce qui a trait aux actions de restauration de la continuité écologique. La question fait débat sur le plan national parce que d'autres acteurs socio-économiques, pour des raisons qui leur sont propres – souvent d'ordre spéculatif –, sont réfractaires aux opérations qui visent à la restauration de la continuité écologique et des habitats. Aujourd'hui, le principal facteur limitant pour les poissons migrateurs, ce ne sont pas tant les plans qui s'essoufflent ou, dans certains cas, le manque de financements. La difficulté tient tout à la fois à l'émergence des maîtrises d'ouvrages et aux freins à la maîtrise d'ouvrage, voire tout simplement aux freins humains, autrement dit à l'acceptabilité sociale de la restauration des habitats et de son bien-fondé.

Or les migrateurs souffrent cruellement parce que les programmes datent d'un certain nombre d'années – le premier contrat « retour aux sources » au niveau national remonte aux années quatre-vingt, ce qui prouve que ces questions se posaient déjà avant – et les efforts humains, financiers et politiques, ainsi que les résultats, ne sont peut-être pas à la hauteur de ce que l'on espérait. Aujourd'hui, la question de fond qui se pose à nous, acteurs associatifs, qui sommes particulièrement impliqués, porte sur la résonance politique que les acteurs de nos territoires sont capables de porter. L'hydro-électricité, particulièrement sur les faibles hauteurs de chute d'eau de faible hauteur, n'a d'intérêt que pour ceux qui souhaitent investir en tablant sur l'obligation de rachat du courant produit ; sinon, elle n'en aurait aucun sur le plan économique, et encore moins sur le plan énergétique.

En conclusion, la question des poissons migrateurs est fondamentale en ce qu'elle apparaît comme le point de concentration, la résultante de l'ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés sur les territoires. On ne peut pas avoir l'ambition de restaurer la qualité de l'eau et reconstituer les populations de migrateurs en les présentant comme un facteur de développement économique local, qu'il s'agisse de la pêche de loisir récréative, de la pêche commerciale ou des activités liées, si l'on ne manifeste pas une volonté forte de s'impliquer sur les questions de restauration de l'habitat et de la continuité écologique.

Aujourd'hui, le véritable frein n'est pas essentiellement d'ordre financier, il relève plutôt de l'acceptabilité sociale. Nous avons les outils, mais nous nous heurtons à un manque de volonté pour mettre en oeuvre des actions et les décliner au plan local.

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