Intervention de Martial Saddier

Réunion du 25 novembre 2014 à 18h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Il aura fallu plus de deux années, soit la moitié d'une législature pour parvenir à inscrire la Charte constitutionnelle de l'environnement dans le texte le plus important de notre République. J'ai eu l'honneur, à l'époque de l'unique commission des affaires économiques, de rapporter le texte aux côtés de Mme Kosciusko-Morizet qui était rapporteure au fond pour la commission des lois. Deux très longues années qui appellent à l'humilité, car nous ne parlons pas d'un texte de loi, à portée directe, mais d'un principe constitutionnel.

Il ne faut pas oublier les débats que nous avons dû mener au sein de notre propre majorité, mais qui ont aussi eu lieu dans l'opposition de l'époque dont peu de membres, comme Mme Gaillard, ont voté ce texte constitutionnel. Je rappelle encore le nombre impressionnant d'amendements déposés des deux côtés, et que nous avons refusés. Je n'en ai pour ma part déposé qu'un seul, afin de préciser que les autorités publiques seraient concernées dans leurs domaines d'attribution ; et c'est le seul amendement qui ait modifié l'article 5 de la Charte de l'environnement.

Voilà pourquoi, à titre personnel, je ne suis pas favorable à la modification proposée de la Charte de l'environnement et ne voterai pas cette proposition de loi constitutionnelle. Le principe de précaution n'est pas une invention française ; il existe à travers des textes européens et internationaux qui nous engagent et la France n'a pas été le premier pays européen à inscrire le principe de précaution dans sa Constitution : d'autres pays, comme le Portugal, l'avaient déjà fait bien avant nous.

Je rappelle par ailleurs que jamais le Conseil constitutionnel n'a invalidé de disposition législative, aucune instance judiciaire n'a infirmé une décision de justice civile ou pénale, en se fondant le principe de précaution. Je rappelle encore que la primauté du droit européen sur le droit national ferait que le principe de précaution s'appliquerait à nous, même si nous le supprimions. Remarquons par ailleurs que le principe de précaution est le plus souvent évoqué dans le domaine de la santé, alors que l'article 5 de la Charte de l'environnement, à l'époque, ne s'y appliquait pas – les rapports et débats de l'époque ne laissent place à aucune ambiguïté à ce sujet. La question n'est pas d'ordre juridique, mais politique et idéologique, ce que je conçois et respecte parfaitement. Mais sur le plan juridique, le texte proposé n'a pas de sens, un même principe ne pouvant différer dans la Charte de l'environnement et dans le reste du droit – droit interne, européen et international.

Cela a peut-être été l'échec de nos travaux de 2004 et 2005 qui ont pourtant tourné autour de la définition des principes de prévention et de précaution. Nous utilisons à tort et à travers – y compris la presse – le principe de précaution à la place de celui de prévention : les crues, l'intoxication alimentaire, les avalanches, le risque nucléaire, n'ont rien à voir avec le principe de précaution ; il s'agit du principe de prévention.

Mes chers collègues, je ne lis pas dans le marc de café, ni dans ce qui anime les décisions du groupe socialiste et encore moins dans les pensées de Mme la rapporteure : au moment du dépôt des amendements, je ne connaissais pas la position du groupe SRC, ni l'avis de la rapporteure sur cette proposition de loi. Je répète qu'à titre personnel, je ne souhaite pas que l'article 5 de la Charte constitutionnelle soit modifié ; mais, si cela devait être le cas, je préfèrerais qu'il soit amendé ou complété plutôt qu'abrogé. C'est ce qui explique que j'ai présenté un amendement.

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