Intervention de Bertrand Pancher

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

La discussion de cette proposition de loi constitutionnelle illustre la difficulté pour certains de nos collègues mais aussi pour nombre de responsables économiques, voire pour certains chercheurs, d'être en phase avec la métamorphose du monde. C'est un peu le débat entre le XXe et le XXIe siècles : devons-nous continuer à poursuivre des objectifs de développement sans nous poser la question de leurs conséquences sur l'environnement, sur la santé humaine, sur notre équilibre social, voire sur les conditions mêmes de la poursuite apaisée du développement économique ? La réponse est évidemment non. C'est pourquoi, depuis une trentaine d'années, on constate un profond mouvement, sur le plan international avec la conférence de Rio, sur le plan européen avec les traités d'Amsterdam, et sur le plan national avec la loi Barnier puis l'inscription de la Charte de l'environnement dans la Constitution. Continuons-nous à faire en sorte que le développement économique soit compatible avec l'équilibre de la société et qu'offrons-nous aux générations actuelles et futures ?

La remise en cause du principe de précaution telle que la prévoit le présent texte est incompréhensible : ou bien l'on tranche – et pourquoi pas si, du fait d'une grave crise, l'on entend donner la priorité au seul développement économique –, ou bien on continue à rêver d'un monde équilibré ; auquel cas, on cherche plutôt à améliorer le principe de précaution, voire à élargir son champ. Si les inquiétudes, notamment dans le domaine de la recherche, sont compréhensibles, si l'application du principe de précaution est incertaine – et le restera sans doute toujours : après tout, lire dans l'avenir n'est pas à la portée de l'Assemblée –, il serait sage d'engager un débat apaisé sur le sujet en se rappelant que la commission Coppens a réfléchi pendant quatre ans sur une proposition qui paraissait consensuelle. On ne voit pas comment, en effet, un texte débattu dans des délais aussi courts pourrait recueillir un tel consensus.

De nombreux groupes de réflexion ont examiné la question de l'élargissement éventuel du principe de précaution et cherché à en améliorer la portée, qu'il s'agisse d'organismes extérieurs au Parlement ou bien du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, en 2010, qui avait montré la nécessité de conserver ce principe en organisant mieux son application. Nos collègues Gest et Tourtelier s'y sont essayés il y a trois ans, et contrairement à ce que vous soutenez, monsieur le rapporteur, jamais ils n'ont songé à le remettre en cause puisqu'ils ont rappelé qu'à aucun moment il n'était souhaitable de faire machine arrière. Leurs suggestions auraient d'ailleurs pu être reprises à leur compte par les auteurs de la présente proposition de loi constitutionnelle, comme la nécessité de travailler sur la transparence dans l'évaluation de la valeur relative des expertises, la nécessité d'une meilleure compréhension du périmètre des risques relevant du principe de précaution – nos collègues souhaitaient ainsi élargir ce dernier à la santé.

Ne faudrait-il pas même l'élargir à l'économie ? En 2008, en effet, les banques se sont-elles montrées précautionneuses ? Les conséquences de leurs placements hasardeux ont-elles toujours été bien mesurées ? Je n'en suis pas certain, au vu des dégâts très importants qui en ont résulté.

Le débat public n'est pas suffisamment organisé. Réfléchissons aussi sur l'absence, et sur les raisons de cette absence, de référent unique et clairement identifié, porteur de procédures jusqu'à la prise de décision.

Faute de ces éléments, à titre personnel – mais j'imagine que je serai suivi par nombre de mes collègues –, je m'opposerai résolument à cette proposition de loi constitutionnelle.

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