Intervention de Jean-Charles Taugourdeau

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

Tout le monde est bien conscient de la nécessité de protéger l'environnement et tous ceux qui se trouvent à la tête d'une collectivité locale savent qu'aucun projet ne peut voir le jour s'il n'est pas jugé « écologiquement correct » par une préfecture, par une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou par une direction départementale du territoire (DDT).

L'idée d'introduire le principe de précaution dans la Constitution était louable, bonne, mais elle a été dévoyée : il s'agissait de prendre toutes les précautions pour faire, non d'interdire l'action. Aujourd'hui, la précaution a tué le travail : c'est aussi ce qui explique que nous ayons plus de 5 millions de précaires et de sans-travail.

Le coût du travail est certes très élevé et si d'autres pays, où il est presque au même niveau, s'en sortent, c'est qu'ils n'ont pas le même code du travail que nous. Tout le monde sait et reconnaît, y compris à gauche, que ce code est un peu lourd, et personne n'ose y toucher. Mais il n'y aura bientôt plus grand-chose à craindre du code du travail : avec le code de l'environnement et nos normes environnementales franco-françaises excessives, on ne peut plus construire d'usines ! Des permis de construire d'usines en zone industrielle sont annulés parce qu'on est obligé d'aller négocier des hectares de biodiversité dans des zones pourtant classées zones industrielles. Qui peut me dire où l'on pourrait aujourd'hui reconstruire l'usine PSA d'Aulnay ? Quand les services de la préfecture ont considéré qu'on ne pouvait pas construire la nouvelle maison d'arrêt d'Angers parce qu'elle se situerait sur une trame verte, le préfet a répondu : mais qui vous a dit qu'on ne pouvait pas construire sur une trame verte ? Le droit est toujours interprété à l'excès. Et pourtant, une maison d'arrêt est systématiquement entourée d'une couronne de prairie de cinquante mètres… Comment une couronne de prairie pourrait-elle rompre la continuité d'une trame verte ?

Ne parlons pas des « zadistes » de Notre-Dame-des-Landes qui menacent les cabinets d'étude environnementale des Pays-de-la-Loire pour qu'ils ne répondent pas positivement aux appels d'offres – et il y a déjà eu des exactions commises contre les domiciles des salariés et des responsables de ces agences. C'est la fin de l'État de droit !

Je me souviens d'un dîner à l'Hôtel de Lassay : nous étions un certain nombre de députés invités par le président Accoyer pour rencontrer des scientifiques, parmi lesquels le prix Nobel de médecine. Je me trouvais à côté de Mme Fioraso, alors députée de l'opposition. Elle a pris la parole pour faire valoir qu'inscrire le principe de précaution dans la Constitution conduirait l'État à renoncer à sa recherche scientifique et à s'engager dans la voie de la décadence, de la décroissance économique. Mme Fioraso est aujourd'hui ministre de la Recherche… qui ne pourra plus faire de recherche !

On a peine à imaginer tous les blocages créés par le principe de précaution, dont on s'est peu à peu servi pour culpabiliser par avance l'entrepreneur désireux d'entreprendre, le chercheur voulant chercher. N'oubliez pas que c'est le travail qui crée l'emploi, qui crée les richesses nécessaires pour financer toutes les lois de solidarité sociale que vous vous plaisez à voter. Ne l'oubliez pas, car lorsqu'on ne créera plus de richesses en France, on n'aura même plus besoin de revenir parler du principe de précaution !

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