Ce débat est intéressant et utile, car nous commençons à mettre des mots concrets sur des choses jusque-là évanescentes. Mais je ne comprends pas pourquoi cette proposition de loi constitutionnelle veut substituer au principe de précaution celui d'innovation, comme si les deux n'étaient pas complémentaires. On assiste à une dérive des mots : la haute fonction publique tente, vaille que vaille, de passer de la notion de précaution à celle de prévention, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel ; de la même façon, on utilise désormais systématiquement le mot « innovation » pour ne plus employer le mot « invention ». Autrement dit, on efface la capacité de l'homme à inventer en lui substituant la capacité de la société à innover ; on a transformé la capacité d'une société à prendre des précautions par la capacité des hauts fonctionnaires à gérer la prévention…
Cela nous ramène à une question essentielle en politique : le concept de responsabilité : responsabilité individuelle des élus, responsabilité collective à l'égard du corps social et de son économie, responsabilité de la collectivité nationale à l'égard de notre environnement, de nos paysages, de notre avenir. Je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait à supprimer le principe de précaution pour le remplacer par celui d'innovation responsable : dans mon esprit, précaution et innovation ne sont pas incompatibles, loin s'en faut.