Intervention de Éric Woerth

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, rapporteur :

Ce débat vaut la peine car chacun d'entre nous souhaite la même chose : que la France progresse au bon sens du terme sans pour autant que la croissance se fasse à n'importe quel prix au mépris de la plus élémentaire prudence. Nous savons aussi que cette croissance ne peut être le fruit que de l'innovation et de l'invention dans le domaine économique, dans le domaine social, et plus encore dans le domaine scientifique et technique.

Cela étant posé, que veut-on affirmer ? Car les mots ont un sens, à commencer par celui de précaution ; vouloir le remplacer par un autre terme n'est pas neutre. Cela ne signifie pas pour autant que l'on chamboule tout, mais seulement que l'on veut modifier la hiérarchie des facteurs. Veut-on une société de protection qui permet l'innovation ou une société d'innovation qui n'exclut pas la protection ? Par cette proposition de loi constitutionnelle, nous disons que nous souhaitons une société qui affiche sa volonté d'innovation, dans un esprit de responsabilité évidemment. La façon dont la précaution est utilisée aujourd'hui entrave le développement de la société française, contribue à son blocage. Le blocage d'un projet d'implantation d'antenne relais ou d'éolienne n'a rien à voir, nous assure-t-on, avec le principe de précaution ; c'est peut-être, et même certainement, vrai sur le plan juridique, pas sur le plan culturel. Car le principe de précaution s'est immiscé dans la société française au point de devenir une attitude culturelle ; or cette attitude, il faut la combattre, car il faut aller de l'avant, et elle entrave le mouvement.

Sur le plan juridique, la proposition de loi n'a, au fond, d'autre but que de déconstitutionnaliser le principe de précaution qui ne devrait plus être un principe d'action pour la société tout entière, mais un simple garde-fou, qui existe déjà dans les traités européens ainsi que dans le droit civil et administratif. Qui pourrait d'ailleurs croire que la responsabilité ne s'exerce pas ? Des personnalités aussi éminentes que Louis Gallois, Anne Lauvergeon, ou nombre de responsables d'organismes de recherche dénoncent le danger qui se cache derrière le principe de précaution. Nos équipes de recherche dans le domaine des OGM quittent la France. L'extraction du gaz de schiste, en l'état actuel des connaissances, est peut-être une erreur ; mais ne vaut-il pas mieux permettre aux recherches de se poursuivre plutôt que l'interdire ? Autant de questions qui renvoient à une conception de la société que nous cherchons à exprimer à travers ce texte. Tout ne peut pas être ramené au droit : souvent les principes juridiques rejoignent les énoncés médiatiques. C'est en ce sens que le principe de précaution est devenu un facteur limitant au lieu de nous aider à progresser. Pour nous, la civilisation, c'est le progrès, et le progrès, c'est l'innovation. Mais l'innovation, ce n'est pas d'abord la précaution, même si l'innovation ne va pas sans de la précaution. Voilà ce que nous voulons dire dans cette proposition de loi constitutionnelle.

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