Intervention de Philippe Meunier

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Meunier, rapporteur :

Cette proposition de loi vise à sanctionner les Français, je dis bien les Français, qui ont fait le choix de combattre la France, en prenant les armes, directement ou indirectement, contre les forces armées et de sécurité françaises, c'est le cas notamment au Mali ou en Irak.

Telle qu'elle est rédigée, cette proposition de loi vise donc à déchoir de la nationalité française les binationaux qui ont acquis la nationalité française dès lors qu'ils auront été arrêtés, surpris ou identifiés pour de tels faits.

Cette mesure serait prise par le Gouvernement par décret, après avis simple du Conseil d'État, sauf si la déchéance a pour résultat de rendre cette personne apatride. Elle pourrait être prononcée à tout moment, car l'article unique de la proposition de loi prévoit d'écarter l'application du premier alinéa de l'article 25-1 du code civil, qui limite les cas de déchéance de nationalité à des faits accomplis avant l'acquisition de la nationalité ou de ceux commis dans un délai de dix ou quinze ans à compter de la date de cette acquisition.

Cependant, il convient d'améliorer la rédaction de ce texte loi pour la renforcer dans son objectif.

Tous les Français qui prennent les armes contre nos armées ou nos forces de sécurité doivent être gravement sanctionnés, quelle que soit la cause de leur rébellion, qu'ils soient nés français ou qu'ils aient acquis la nationalité française. Il est en effet scandaleux que de tels individus continuent à jouir des bienfaits de notre République alors qu'ils trahissent notre pays. Peu importe l'idéologie qu'ils poursuivent : aujourd'hui le djihadisme est concerné, mais rien ne dit que demain d'autres Français ne prendront pas les armes contre notre pays pour d'autres motifs. Je vous proposerai donc deux amendements visant, d'une part, à prononcer la perte de nationalité à l'égard de tout Français binational et, d'autre part, à instaurer un crime d'indignité nationale accompagné d'une peine de dégradation nationale à l'encontre de tout autre Français auteur de tels faits, puisque notre État ne peut les rendre apatrides en vertu de nos accords internationaux.

L'instauration d'un mécanisme de perte de nationalité à la place de la déchéance de nationalité.

Cette procédure présente trois avantages. Premièrement, la perte de nationalité concerne tout Français binational, qu'il soit né Français ou qu'il ait acquis la nationalité française d'une manière ou d'une autre, contrairement à la déchéance qui ne vise que ceux qui ont acquis la nationalité française. Deuxièmement, la perte de nationalité n'est pas encadrée dans des limites temporelles pour sanctionner les faits reprochés contrairement à la procédure de déchéance, enserrée dans un délai de dix à quinze ans. Troisièmement, la perte de nationalité peut être prononcée par décret après avis simple du Conseil d'État, et non après avis conforme. S'il est négatif, le Gouvernement peut le surmonter en adoptant le décret en conseil des ministres : cela suppose que ce décret soit signé par le président de la République et le Premier ministre.

Par ailleurs, je vous propose de préciser le champ géographique des faits sanctionnés par la perte de nationalité. Ils devront s'être produits sur un théâtre d'opération extérieure où la France est engagée ou, sur le territoire français, au profit d'un État ou d'une organisation étrangère contre lequel la France est engagée militairement.

Enfin, je souhaite que l'individu, devenu étranger à la suite de la perte de nationalité française puisse faire l'objet, à la discrétion du Gouvernement, d'une mesure d'expulsion lorsqu'il est présent sur le territoire national, ou d'une interdiction administrative de territoire lorsqu'il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national.

Ces mesures administratives complémentaires sont justifiées par le fait que la présence en France de cet individu constituerait une menace grave pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France. Elles ne pourraient être prises qu'après épuisement des voies de recours contentieuses dont l'individu dispose pour contester le décret de perte de nationalité devant le Conseil d'État.

Je reviens à mon amendement qui vous propose de rétablir un crime d'indignité nationale, assorti d'une peine d'indignité nationale.

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le Général de Gaulle édicta l'ordonnance du 26 août 1944 instituant un crime d'indignité nationale sanctionné par une peine de dégradation nationale pour punir sévèrement les Français ayant collaboré avec l'ennemi. Elle fut abrogée par la loi d'amnistie du 5 janvier 1951.

Je crois qu'il convient aujourd'hui de s'inspirer de ces sanctions pénales à l'encontre des ressortissants français qui trahissent notre pays en portant les armes contre nos militaires et nos forces de sécurité.

Je vous propose donc d'inscrire dans le code pénal, au sein du chapitre relatif à la trahison et à l'espionnage, un crime d'indignité nationale qui serait puni de trente ans de détention criminelle et de 450 000 euros d'amende. Cette peine serait donc équivalente à celle encourue pour avoir entretenu des intelligences avec une puissance étrangère en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France, telle que prévue par l'article 411-4 du code pénal.

La dégradation nationale serait une peine qui pourrait être prononcée à titre complémentaire par le juge à titre définitif, ou par décision spécialement motivée, pour une durée de trente ans au plus. Elle emporterait un certain nombre d'interdictions pour le condamné telles que la privation de tous ses droits civiques et politiques, la privation de ses droits publics, diverses interdictions professionnelles dans le secteur public et privé et l'impossibilité de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction.

Je vous proposerai enfin de modifier le titre de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui pour tirer les conséquences des modifications que je viens de vous soumettre.

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