Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur :

En 2011, à l'occasion du débat sur les lois de bioéthique, les députés ont rejeté à une large majorité l'autorisation de la gestation pour autrui (GPA). Néanmoins, un décret du ministère de la Justice a autorisé en 2013 la transcription dans l'état civil français des actes de naissance des enfants nés d'une GPA à l'étranger. Plus grave encore, en juin 2014, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France contre les époux Mennesson pour avoir refusé d'inscrire à l'état civil la naissance de leurs enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger.

Dans ce contexte juridique ambigu, le recours à une mère porteuse à l'étranger devient une pratique envisageable pour nos concitoyens, ce qui a incité Jacques Delors, Lionel Jospin, Yvette Roudy et plusieurs autres personnalités à signer dans Libération, en juillet 2014, une lettre ouverte au président de la République, lui demandant de mettre un terme à une pratique considérée comme de nature à altérer profondément la dignité de la personne, car elle contrevient au principe de l'indisponibilité du corps humain, et s'apparente à une forme de marchandisation en mettant le ventre de la femme en location.

À ceux, de gauche comme de droite, qui s'émouvaient de cette situation, le Premier ministre a répondu, de manière forte et claire dans la presse écrite, au travers d'un entretien à La Croix, qu'il considérait la GPA comme une pratique intolérable. Nous nous sommes accordés, avec Laurence Rossignol, la secrétaire d'État chargée de la famille, sur le fait qu'il fallait trouver des solutions pour empêcher les Français d'avoir recours à la GPA à l'étranger, puisque l'arrêt de la CEDH battait en brèche la décision française de ne pas reconnaître les naissances par GPA à l'étranger, qui constituait jusqu'alors un rempart assez dissuasif.

Il fallait donc réviser notre droit et, puisque notre droit civil est défaillant, renforcer notre droit pénal qui, en l'état, punit d'une peine de prison la GPA pratiquée en France. Malheureusement, cette disposition n'est guère efficace dans la mesure où nos compatriotes partent à l'étranger et où aucune infraction n'a dernièrement été constatée sur le sol français : il n'existe aucune jurisprudence sur les sanctions prononcées à l'égard de Français s'étant prêtés à une gestation pour autrui. Ajoutons qu'au regard de la gravité des faits, on peut considérer les sanctions comme très mineures. Voilà pourquoi l'article 1er de cette proposition de loi propose d'accroître les sanctions. Cela n'est néanmoins pas suffisant dans la mesure où les sanctions actuelles, très légères, n'étant pas appliquées, on ne voit pas pourquoi le fait de les durcir ferait qu'elles le soient davantage. Nous avons donc créé une nouvelle infraction caractérisée par le fait d'effectuer des démarches en vue d'avoir recours à la GPA, en France ou à l'étranger. Enfin, pour renforcer encore l'efficacité du dispositif, je vous propose un amendement visant à rendre la loi pénale française applicable aux délits commis à l'étranger par des ressortissants français ou des personnes résidant habituellement en France.

Le Conseil d'État, le Comité consultatif national d'éthique ainsi que tous les rapports auxquels ont donné lieu les lois de bioéthique ont condamné sans ambiguïté le recours aux mères porteuses, et je pense que notre démarche peut rencontrer l'approbation de tous ceux qui, sur nos bancs, sont hostiles à la GPA.

Si l'on y est favorable en revanche, il ne faut toucher à rien, car notre droit est suffisamment hypocrite pour prévoir des sanctions qui ne sont jamais appliquées : la France a choisi, en la matière, de pratiquer la politique de l'autruche en ne sanctionnant que les délits commis sur son territoire, mais en autorisant, voire en favorisant la GPA dès lors qu'elle a lieu à l'étranger : pourquoi sinon le Gouvernement se serait-il abstenu de faire appel de la décision de la CEDH, alors qu'il en avait les moyens juridiques ?

Pour ma part, je considère que les trois mesures portées par cette proposition de loi – l'aggravation des sanctions, la pénalisation des démarches effectuées en vue d'avoir recours à la GPA et surtout la pénalisation des actes délictueux commis à l'étranger par des Français ou des personnes résidant habituellement sur le sol français – constitueront un arsenal juridique propre à dissuader nos concitoyens d'avoir recours à une pratique qui est la négation même du respect de la dignité inaliénable de la personne : pas plus que les corps ne sont à louer, les enfants ne sont pas à vendre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion