Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert, co-rapporteur :

L'accord qui pourrait être annoncé le 12 décembre 2015 sera nécessairement intergouvernemental. À la différence du protocole de Kyoto, il s'agit en effet de négocier un accord universel et crédible, qui engage toutes les parties et pas seulement les pays développés.

Quelle que soit la forme qu'il prendra, l'accord devra définir des règles et fixer des points de rendez-vous pour réévaluer et corriger les trajectoires. Parallèlement, les États vont présenter pour la période qui va débuter – l'Union européenne a proposé 2030 comme horizon – leur contribution nationale. L'objectif est de les avoir rassemblées au premier semestre 2015, si possible au premier trimestre.

Il faudra qu'à l'issue de la Conférence de Paris, un plan ait été établi pour revenir une limitation de la hausse à deux degrés Celsius en 2015, un plan partagé par les gouvernements, les collectivités et les entreprises, même si ce plan dessine une trajectoire qui fait l'objet de rendez-vous tous les cinq ans pour s'assurer qu'elle est respectée.

Du point de vue juridique, l'accord pourra prendre de nombreuses formes différentes. Il pourrait par exemple être contraignant seulement sur le plan procédural, en imposant une obligation de présenter des résultats et de se plier à des mesures de vérification. Il marquerait ainsi une première étape vers la définition de nouveaux objectifs à l'horizon 2050.

Les Brésiliens proposent quant à eux de classer les pays suivant des cercles concentriques qui correspondraient à l'ampleur de leurs engagements : dans le cercle intérieur, se trouvent les pays qui s'engagent à réduire leurs émissions, les plus éloignés du centre sont ceux qui n'adoptent aucune mesure particulière contre le changement climatique. L'idée brésilienne consiste à dire qu'au terme de l'accord chaque pays doit être incité à se rapprocher du centre : elle permet ainsi de regarder la distinction binaire pays richespays pauvres sous une perspective tenant compte des réalités actuelles et évolutive dans le temps.

Par ailleurs, l'évolution sino-américaine semble ouvrir de nouvelles perspectives.

La Chine et les États-Unis sont parvenus, le 12 novembre 2014, à un accord pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les deux premiers pollueurs de la planète – dont aucun n'était partie prenant au Protocole de Kyoto – représentent à eux seuls 42 % du total des émissions de CO2.

La Chine, pays qui produit le plus de gaz polluants, s'est fixé l'objectif d'un pic de ses émissions de gaz à effet de serre « autour de 2030 », avec l'intention « d'essayer d'y arriver plus tôt ». C'est la première fois que ce pays s'engage sur l'année à partir de laquelle la courbe s'inversera. De leur côté, les États-Unis promettent une réduction de 26 à 28 % de leurs émissions d'ici à 2025 par rapport à 2005. À titre de comparaison, l'Union européenne prend l'année 1990 comme référence ; le fait de se référer à l'année 2005 est moins contraignant, même s'il convient de saluer cette première avancée.

Le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, Ban Ki-moon, a salué une « importante contribution au nouvel accord sur le climat qui doit être signé l'an prochain à Paris » et a appelé « tous les pays, notamment toutes les grandes économies, à suivre la voie de la Chine et des États-Unis. »

Enfin, la question du contrôle et de la vérification est essentielle. Lors de la Conférence de Paris qui se tiendra fin 2015, il ne suffira pas de parvenir un premier accord climatique mondial, encore faudra-t-il s'assurer du respect de leurs objectifs par les États.

Pour cela, il sera possible de s'appuyer sur le MRV, à condition toutefois d'unifier le système, qui fonctionne actuellement différemment pour les pays développés et les pays en développement.

Une première ébauche a été faite – on l'a vu – lors de la Conférence de Varsovie, avec l'instauration d'un système national de suivi des forêts encadré.

En conclusion de ce point, si le premier objectif est bien sûr la conclusion d'un accord, le deuxième objectif à atteindre réside dans l'engagement des pays à proposer un plan en faveur du climat pour 2025-2030 qui se décline en diverses politiques : la politique climatique, mais aussi la fiscalité pour ceux utiliseront des instruments comme la taxe carbone, les marchés carbone, les transports publics ou encore les innovations technologiques. Pour chaque État, il y aura d'une part, les engagements pris au regard des pairs de la communauté internationale en matière de réduction des émissions et d'autre part, le corps de politiques déployées.

S'agissant du calendrier, la Conférence de Varsovie est parvenue à baliser le chemin vers la Conférence de Paris sur le climat qui aura lieu en 2015. Cependant, elle a aussi montré que la route sera longue et difficile. Des questions fondamentales restent sans réponse, et appellent à un niveau élevé d'engagement politique.

Les pays ont tous convenu d'un calendrier pour élaborer et soumettre de nouveaux engagements de réduction des émissions : « bien en amont » de la Conférence de Paris, « dès le premier trimestre 2015 pour les Parties qui y seront prêtes ». Bien que vague, ce calendrier est important car il envoie un signal fort : les pays doivent commencer à préparer leurs offres pour Paris. Le plus important est que les engagements arrivent tôt, de sorte qu'ils puissent être évalués.

Dès après la COP de Lima, une réunion se tiendra – par anticipation à ce qui se pratique habituellement – dès le début de l'année 2015, du 8 au 13 février, à Genève. Le texte qui sera proposé à Paris devra avoir été traduit au moins six mois auparavant dans les six langues des Nations-Unies.

L'objectif serait donc de disposer de ce texte pour la fin du mois d'avril ou le début du mois de mai 2015, incluant les quelques semaines nécessaires à sa traduction. Les co-présidents de la COP devront donc idéalement proposer un texte pour la fin mars 2015.

À cet égard, à Lima, deux nouveaux co-présidents devraient être nommés : il devrait s'agir des États-Unis pour les pays développés, tandis que le Zimbabwe pourrait représenter les pays en développement.

En juin 2015 se tiendra la session habituelle de négociations qui se déroule à Bonn, puis aura lieu la session de rentrée.

De son côté, l'ONU organisera en 2015 un sommet pour déterminer les prochains objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Enfin, la question du financement est cruciale. À Copenhague, puis à Cancún, les pays développées se sont engagés à verser une aide publique immédiate (dite « fast start ») de 30 milliards de dollars de 2010 à 2012, puis à augmenter progressivement ce montant qui devrait atteindre 100 milliards annuels en 2020. La crise économique et ses effets ont conduit les pays développés à oublier cette promesse au regard de leurs contraintes budgétaires…

Les négociations de Varsovie ont montré à quel point le financement était une question essentielle. La première capitalisation du Fonds vert pour le climat devra « atteindre un niveau très significatif », insistait le texte final adopté à Varsovie, sans préciser lequel. La réponse précise à cette question devrait intervenir en 2014 à la Conférence sur le climat de Lima, où cette nouvelle institution, décidée en 2009 à Copenhague, remettra à son premier rapport annuel.

À cet égard, la France a annoncé vouloir contribuer au Fonds vert à hauteur d'un milliard de dollars sur 4 ans, ainsi que l'Allemagne. Plusieurs annonces notamment de pays européens comme la Suisse (100 millions de dollars), la Suède, le Danemark (70 millions de dollars), la Norvège (33 millions de dollars) ou la République tchèque (5,5 millions de dollars) ainsi que la Corée du Sud (100 millions de dollars) ont porté le montant global des engagements à environ 3 milliards de dollars.

Le 15 novembre dernier, le Président des États-Unis a promis, en marge du G20 de Brisbane, une contribution de 3 milliards de dollars. De son côté, le Japon a également annoncé une contribution à hauteur de 1,5 milliard de dollars.

Selon la presse britannique, la Grande-Bretagne devait quant-à-elle annoncer une contribution d'environ 1 milliard de dollars tandis qu'en marge du G20, le Canada a aussi annoncé son intention de contribuer ce mécanisme financier, sans toutefois avancer de chiffre à ce stade.

Du côté des contributeurs, l'objectif affiché est d'obtenir 10 milliards de dollars de contribution avant la fin de l'année 2014, objectif qui semblait jusqu'alors hors d'atteinte.

La réunion spéciale des donateurs – les représentants de 22 pays contributeurs, pour la plupart des pays riches – pour la capitalisation du Fonds vert s'est déroulée à Berlin les 19 et 20 novembre 2014.

Malgré un démarrage difficile, les caisses du Fonds vert pour le climat se sont finalement remplies lors de cette réunion de Berlin des 19 et 20 novembre, portant à 9,3 milliards de dollars les promesses de financement, sur les 10 milliards espérés avant fin 2014. Les contributions ont finalement émané de 21 pays.

En conclusion, il est important de souligner que la protection du climat et la croissance économique peuvent aller de pair. La tentation est en effet récurrente de réduire les financements destinés à la lutte contre le changement climatique en raison de la crise économique. Protection du climat et croissance économique peuvent pourtant aller de pair, comme le montre la publication du dernier rapport de la commission mondiale pour l'économie et le climat, intitulé « une meilleure croissance, un meilleur climat ». Ce rapport démontre que qu'il est possible de réduire les émissions de carbone, tout en améliorant les performances économiques, et ce dès à présent.

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